Noblesse oblige
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 25 avril 2022 11:04
- Écrit par Claude Séné
Les résultats du deuxième tour des élections présidentielles ont été connus dès 20 heures hier soir avec une bonne précision des instituts de sondage. Le président sortant a été réélu avec une avance conforme aux dernières enquêtes d’opinion, évitant ainsi la mauvaise surprise, peu probable, mais toujours possible. Cette victoire n’a pas soulevé l’enthousiasme, mais plutôt le soulagement des plus inquiets, y compris dans les chancelleries européennes, craignant les conséquences sur le fonctionnement des institutions. Quant au président, il a joué la carte de la modestie plus ou moins bien imitée, en déclarant que « ce vote l’obligeait pour les années à venir ».
Personne ne sera dupe. Ce langage ampoulé qui lui ressemble si bien permet, sans le dire, d’introduire la notion d’aristocratie républicaine dont son élection lui octroie le bénéfice. La formule fait référence à une expression devenue proverbiale, « noblesse oblige » qui a également donné son titre à un film britannique dans lequel Alec Guiness, qui joue huit rôles différents, se retrouve dans la peau d’un criminel éliminant tous les héritiers qui le séparent de l’obtention d’un titre de noblesse. On ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec la fulgurante ascension d’un caméléon politique, prêt à tout pour parvenir à ses fins. Une chose est sûre, ce président ne se sentira pas plus obligé de quoi que ce soit que son prédécesseur, c’est-à-dire lui-même. Sa boussole n’a pas changé, et c’est le service des intérêts de classe. Ce n’est pas un hasard si la sociologie de son électorat montre que ce sont essentiellement les électeurs satisfaits de leurs conditions de vie qui lui apportent leurs suffrages. Au deuxième tour, ils sont rejoints par une partie des contestataires, qui votent avec le pistolet sur la tempe, plus contre l’extrême droite que pour un « projet » flou dont ils sentent bien qu’il ne changera pas leur existence, sinon en mal.
Les Français voulaient à tout prix, selon les enquêtes des dernières années, éviter le remake de 2017, mais ils l’ont provoqué quand même. Peut-on croire dans ces conditions à l’éventualité d’une cohabitation après les législatives, bien qu’ils l’appellent de leurs vœux ? Rien n’est moins sûr, malgré l’exhortation de Jean-Luc Mélenchon à le désigner comme Premier ministre. Jusqu’à présent, du fait de l’inversion des calendriers et l’instauration du quinquennat, les présidents ont toujours obtenu une large majorité à l’Assemblée nationale, dans la foulée des élections présidentielles. Ce n’est d’ailleurs pas sans risques, comme François Hollande en a fait l’expérience avec l’émergence d’une « Fronde » dans les rangs mêmes du Parti socialiste à l’Assemblée. L’inexpérience de la plupart des « marcheurs » a préservé Macron de cet écueil pendant son premier quinquennat, mais l’appétit vient en mangeant, et la guerre avec la succession. Quant à l’éventualité d’un « troisième tour social », il est par nature imprévisible. Vous comprendrez donc que je ne sois pas optimiste pour la période à venir.