La grande offensive

On l’aurait presque oubliée, à commencer par le président de la République qui en avait fait un argument de campagne, mais la guerre d’agression de l’Ukraine par la Russie, non seulement ne s’est pas arrêtée, mais a pris un nouveau développement. Contrairement à la population russe, tenue soigneusement à l’écart de toute information objective sur un conflit qui ne dit toujours pas son nom, celui d’une guerre totale qui ne respecte même pas les lois généralement admises pour en atténuer la barbarie, les populations européennes et occidentales savaient que le dictateur russe avait revu ses plans pour s’attaquer principalement au front de l’est de l’Ukraine.

Il est de plus en plus clair que l’armée russe n’avait pas les moyens de s’emparer de l’ensemble du territoire ukrainien en livrant des batailles difficiles contre un adversaire beaucoup plus coriace que prévu, et qui a reçu un soutien international conséquent, même si les patriotes ukrainiens le trouvent insuffisant. Mal informé par des subordonnés n’osant pas lui délivrer une analyse sérieuse de la situation, Poutine a pris de mauvaises décisions, basées sur le soutien des populations civiles, voire militaires, en s’attendant à pouvoir conquérir sans combattre ou presque. C’est son échec personnel, même s’il va essayer d’en rejeter la faute sur des exécutants incompétents. Il lui faut donc impérativement gagner quelque chose, ne serait-ce que symbolique, à présenter à la commémoration de la victoire sur l’Allemagne nazie le 9 mai prochain. Le lieu de la bataille a été choisi. Les Russes vont concentrer leur offensive sur les provinces du Donbass et tenter de progresser sur la totalité du front pour assoir leur emprise sur l’ensemble de ce territoire du sud-est de l’Ukraine, faisant ainsi la jonction avec la Crimée, déjà annexée en 2014.

Compte tenu des forces en présence et de la nature du terrain, bien différent de celui de la guérilla urbaine où les troupes de Poutine ont essuyé des revers, il parait difficile de l’empêcher de s’emparer de ce territoire. Pour y parvenir, les Russes vont déverser des tapis de bombes, sans souci des populations, qui paieront le tribut le plus lourd au rêve du dictateur de reconstitution de l’empire de toutes les Russies. Si les pertes du côté russe sont trop importantes, Poutine négociera peut-être un arrêt des hostilités, en attendant l’étape suivante. Mais il ne renoncera que contraint et forcé par une menace internationale ou une révolution de palais, imprévisible pour le moment. On a pu répondre à la question : « pourquoi Poutine fait-il cela ? » de la façon la plus simple qui soit : « parce qu’il le peut ». C’était déjà applicable à l’expansionnisme d’Adolf Hitler. On a pu voir à quel point les reculades et les compromis des démocraties n’avaient servi qu’à reculer l’échéance et à permettre aux nazis de se renforcer. Les Ukrainiens ont raison de dire qu’ils se battent d’abord pour eux, mais aussi pour nous.