Marioupol, l’enjeu humanitaire

Il reste encore environ 150 000 civils pris au piège dans ce qui reste de la ville ukrainienne de Marioupol, presque entièrement rasée par les missiles et les tirs d’artillerie lourde, et dont les habitants commencent à manquer de tout. Le symbole de ce désastre humanitaire, c’est la destruction massive du théâtre de la ville, où s’était réfugié environ un millier de personnes, cherchant à échapper au déluge de feu frappant leurs habitations. Le bilan provisoire fait état de 300 morts, et il sera probablement plus élevé quand on aura pu déblayer les gravats sous lesquels les corps sont ensevelis.

La Russie tient à s’emparer de ce port qui lui a déjà résisté en 2014 lors de l’annexion de la Crimée, et Vladimir Poutine a besoin de démontrer la victoire de son armée en prenant le contrôle de quelques villes symboles, à défaut de pouvoir prendre la capitale, où les Russes piétinent. La semaine dernière, Emmanuel Macron avait annoncé une action conjointe de la France, la Turquie et la Grèce pour évacuer les civils grâce à un couloir humanitaire, sur lequel il ne délivrait aucune information précise, et pour cause, puisqu’il aurait fallu pour cela l’accord du tyran russe. On pouvait imaginer que, tel un moderne Moïse, il allait ordonner à la mer d’Azov de s’écarter pour laisser passer les Ukrainiens et se refermer ensuite sur les soldats russes, d’un coup de baguette magique. Malheureusement, dans le monde réel, les miracles se font rares, et l’autocrate du Kremlin n’a nullement l’intention de faire des cadeaux à ses adversaires, les pays dits « inamicaux ». Il essaie d’utiliser les réfugiés comme un instrument de propagande, en les déportant contre leur gré en Russie, puis en montant en épingle leur choix forcé pour démontrer qu’il les libère des « nazis » qui tiennent la ville.

Il fait ainsi d’une pierre deux coups. Il accuse les Ukrainiens de retenir leurs civils pour en faire des boucliers humains, tout en démontrant une fausse bonne volonté, qui lui permet surtout de regrouper ses troupes et de se préparer à envahir une ville débarrassée des civils, sans prêter le flanc à des accusations de crimes de guerre. Ceux qui veulent quitter la ville doivent donc le faire à leurs risques et périls, comme les 3700 personnes qui ont réussi à s’échapper en voitures personnelles ou en bus, au prix de dangers énormes. Les associations comme la Croix Rouge ont dû renoncer, faute d’accord des Russes sur un cessez-le-feu et une protection de leurs convois. Plus que jamais, Poutine est maître du temps, et il le démontre aux dirigeants occidentaux. Emmanuel Macron peut bien fanfaronner et entretenir la fiction de relations d’égal à égal avec lui, il ne trompe que lui-même en jouant au petit magicien avec la panoplie reçue à Noël. Si quelqu’un peut siffler une fin de partie, c’est sans doute le dirigeant chinois Xi Ji Ping, si ses intérêts économiques sont menacés.