Mêlons-nous de nos affaires
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 30 mars 2022 11:21
- Écrit par Claude Séné
Comme il est d’usage quand le pouvoir en place fait une erreur manifeste, une polémique éclate pour déterminer s’il s’agit là d’une affaire d’État, ou d’une affaire de l’État, qui serait, par définition, moins grave. Sans surprise, les partis d’opposition et l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle, à l’exception du président sortant, ont donc qualifié l’affaire des prestations du cabinet Mc Kinsey, facturées fort cher pour une utilité contestable, de scandale d’état. C’est un rapport sénatorial qui a révélé au public que sous l’égide d’Emmanuel Macron, l’état avait régulièrement recours aux services de ce cabinet de conseil américain, pour des montants exorbitants.
L’histoire est ennuyeuse à plus d’un titre, surtout quand elle est dévoilée aussi près des élections, et qu’elle risque de feuilletonner assez longtemps. Les opposants ont beau jeu de faire remarquer que certains rapports ont été facturés à plusieurs milliers d’euros la page, et que d’autres ont été purement et simplement inutilisés. On ouvre aussi la porte des rouages de l’état à une puissance étrangère, même si elle est réputée amie. Les tâches demandées auraient pu, et dû, être confiées aux hauts fonctionnaires, qui sont payés pour cela, ce qui constitue un doublon, et un gaspillage inutile. Mais on sait bien que le chef de l’état ne fait pas confiance à sa propre administration publique et ne jure que par le privé, dont il pense nécessaire l’onction, au nom de la sacro-sainte concurrence, qui n’a rien à faire ici en matière de conseil. Le deuxième lièvre soulevé par le rapport sénatorial, c’est que la société Mc Kinsey, implantée avec succès depuis une dizaine d’années en France, n’a jamais dégagé le moindre centime de bénéfice, et n’a donc jamais été assujettie à l’impôt sur les sociétés, contrairement à ce qu’elle laissait entendre, et que le gouvernement reprenait, à tort. Elle n’est certes pas la seule à pratiquer l’optimisation fiscale à outrance, mais avouez que ça la fiche mal.
On voit que le bât blesse le candidat Macron au fait qu’il a choisi le même système de défense que pour l’affaire Benalla, quand il mettait la justice au défi de « venir le chercher ». Cette fois-ci, il fait semblant de croire à une irrégularité fictive dans la procédure d’appel d’offres, alors que la question est ailleurs. Elle est morale, plus encore que légale. Il croit enterrer le dossier en se plaçant sur le terrain de la régularité des opérations commerciales et, suprême aveu inconscient du malaise, se rend l’auteur d’un superbe lapsus en déclarant que ses prédécesseurs n’ont pas eu « plus » recours à ces procédés, quand il voulait dire « moins ». Reste la question de fond, celle de la pertinence des conseils prodigués à prix d’or. Fallait-il vraiment dépenser un pognon de dingue pour en arriver à économiser 5 euros sur les APL, au mépris de toute justice sociale ?