Qui se sent morveux

On a beau se croire au-dessus de la mêlée, avoir le cuir suffisamment tanné par cinq années de mandat présidentiel, où la moindre erreur se paye comptant, et dieu sait qu’il y en a eu, ce que le pouvoir résume dans un pudique « on n’a pas tout bien fait » pour faire la part du feu et suggérer qu’on a quand même réussi globalement, il y a des choses qui ne passent pas. Ce sont probablement les « spin doctors », les experts en communication qui ont suggéré à Emmanuel Macron de retourner le slogan « Macron assassin » contre Éric Zemmour, coupable de ne pas avoir fait taire la foule venue l’acclamer.

Il aurait suffi au candidat de la droite dure de reprendre la formule d’Édouard Balladur au soir de sa défaite en 1995 quand ses partisans huaient le nom de Jacques Chirac : « je vous demande de vous arrêter », pour couper court à un incident dommageable pour lui. Un président ne devrait pas laisser dire ça, et qui aspire à le devenir, non plus. Quant à la victime présumée, il faut croire que la formule a touché juste pour que le président en exercice, au lieu de la traiter par le mépris, se soit cru très malin en en faisant un trait d’humour, suggérant qu’Éric Zemmour était devenu malentendant, et qu’il devrait s’appareiller gratuitement, grâce à la formule de remboursement des prothèses auditives votée par ses soins. Mauvais procès, qui rappelle celui intenté à Jacques Chirac, soupçonné de porter un « sonotone », qui inspira à Lionel Jospin la formule du président « vieux, fatigué et malade » qui lui coûta en partie l’élection dont il était pourtant favori avant d’être éliminé piteusement au premier tour le 21 avril 2002.

Cette sortie intempestive fait pendant à une autre déclaration malencontreuse de la part du président des États-Unis cette fois, quand il a suggéré que Vladimir Poutine « ne pouvait pas rester au pouvoir » après l’avoir traité de « boucher » et de « criminel ». Ce que Joe Biden a dit, c’est naturellement une réalité, mais c’est en totale contradiction avec la relative inaction du président américain. Toute vérité n’est pas bonne à dire, nous apprend-on dès la maternelle, à moins d’être prêt à en découdre. On attend du président Biden, comme de ses homologues européens, plus de maturité et de réflexion, et moins de réactions épidermiques, dont les conséquences peuvent être désastreuses avec un adversaire aussi imprévisible et dangereux que Poutine. Personne n’a dit que le métier de président était une sinécure ni que ce serait facile. Ils sont pourtant une douzaine rien qu’en France, à briguer les suffrages de leurs concitoyens et à devoir, en cas de succès, se confronter à toute une masse de problèmes, plus difficiles les uns que les autres. Il doit y avoir des compensations…