Diversion

Comme c’était à craindre, Yvan Colonna n’a pas survécu aux blessures qui lui avaient été infligées par un autre détenu de la prison d’Arles où il purgeait une peine de perpétuité, sans pouvoir bénéficier d’un rapprochement familial, à la suite de sa condamnation pour le meurtre du préfet Érignac. Pour beaucoup de Corses, qui ont manifesté leur colère, cette agression est imputable à l’état français, qu’ils traitent d’assassin, car il n’a pas su assurer la sécurité physique des détenus placés sous sa responsabilité, alors que l’agresseur, comme l’agressé, était assujetti au statut de détenu particulièrement signalé, un comble !

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a bien été obligé de se rendre sur place, et il a tenté de noyer le poisson, comme cela semble être la règle sous le règne d’Emmanuel Macron. D’une part, il a annoncé vouloir négocier « l’autonomie » de l’île, alors que cette question n’était pas à l’ordre du jour, d’autre part, il a voulu considérer ce fait comme un acte « terroriste », comparable à celui qui a frappé Samuel Paty, au prétexte que l’agresseur d’Yvan Colonna était condamné pour terrorisme. Le ministre s’est senti particulièrement visé par les mots de « crime d’État », qu’il juge « excessifs, pour ne pas dire insupportables ». Ce qui est insupportable, ce ne sont pas les mots pour le dire, mais bien les faits eux-mêmes. Voilà bien longtemps que les avocats des indépendantistes corses réclamaient un aménagement de peine, comme pour n’importe quel détenu ayant effectué la période incompressible prévue par sa condamnation, pour qu’ils puissent se rapprocher de leur famille, résidant évidemment en Corse. Le statut de DPS qui leur était appliqué empêchait, parait-il, de les transférer sur l’île, où les prisons n’étaient pas conçues pour les recevoir en toute sécurité. On a vu ce qu’il en était sur le continent.

D’ailleurs, il aura fallu cette agression pour que les deux autres membres du commando soient dispensés de la surveillance accrue des DPS et puissent prétendre à finir leur peine en Corse. Le plus ironique, c’est qu’Yvan Colonna, dans le coma, ait été non seulement exonéré du statut de DPS, mais même dispensé provisoirement de peine pour raison médicale. À présent qu’il est mort, l’administration pénitentiaire va-t-elle le libérer à titre posthume ? De qui se moque-t-on ? Dans son acharnement à nier toute responsabilité de l’état dans l’agression d’Yvan Colonna, Gérald Darmanin charge la barque du terrorisme, qui n’en est plus à un crime près, mais il n’explique pas pourquoi un détenu islamiste violent avait tout loisir d’aller et venir comme chargé de l’entretien, une fonction réservée en principe aux personnes supposées les plus fiables. Ni comment un détenu peut se faire agresser pendant 8 longues minutes sans attirer l’attention du personnel pénitentiaire. Le ministre feint de croire que l’on accuse l’état d’avoir volontairement organisé le meurtre du militant indépendantiste, alors qu’il a fait preuve de négligence. La ficelle est un peu grosse.