Le temps des promesses

La campagne électorale est traditionnellement le moment où les candidats essayent de capter les intentions de vote des citoyens en s’engageant sur des sujets divers et variés, destinés à les mettre en valeur et susciter une adhésion à des propositions. Parmi toutes les mesures envisagées, il en est une qui pourrait servir de pierre de touche sur la fibre sociale des douze impétrants qui vont briguer les suffrages des électeurs, et c’est celle qui touche à l’âge de la retraite. Curieusement, le report de l’âge de la retraite à 65 ans, contre 62 actuellement, présenté par le président sortant serait une « promesse de campagne ».

On m’a pourtant toujours expliqué que l’on ne prenait pas les mouches avec du vinaigre. Je ne vois vraiment pas en quoi cet allongement de la durée du travail pourrait être considéré comme un avantage ou une récompense. Si certains sont encore en état physique et mental de poursuivre leur activité au-delà de l’âge de départ prévu par la loi, grand bien leur fasse, et tant mieux pour eux. Mais il faut tenir compte des autres, ceux qui, par exemple, sont 25 % parmi les plus pauvres, à décéder avant le seuil actuel de 62 ans. Et aussi tous les « seniors » qui ne retrouvent pas d’emploi après 60 ans, voire 50, et se retrouvent tout bêtement chômeurs, sans grand espoir de retrouver un jour du travail. Emmanuel Macron avait envisagé une réforme du régime de retraite très ambitieuse, qui aurait permis, selon lui, de régler définitivement la question, en s’adaptant automatiquement à toutes les situations. Comme beaucoup de projets technocratiques, cette réforme s’est fracassée à l’épreuve de la réalité. Le projet de justice sociale, qui ne tenait de toute façon pas la route, a été abandonné, et le candidat président a préféré donner de nouveaux gages à la droite libérale vers qui il se tourne ostensiblement, au grand dam de sa candidate officielle, Valérie Pécresse, qui se juge spoliée de son programme.

Pour faire passer la pilule, la mesure, que je ne peux pas me résoudre à appeler promesse, est habillée d’un argumentaire falsifié pour la justifier. Nous serions contraints par le déficit du régime de retraite par répartition. Faux. Le déséquilibre annoncé n’est pas pour tout de suite, et le trou d’air envisagé ne sera que passager et limité à 0,6 % du PIB, autant dire presque rien à l’échelle d’un pays. L’allongement de la carrière correspondrait à un allongement constant de la vie. Pas sûr, si l’on prend la durée de la vie en bonne santé, qui stagne, voire régresse à présent. En conclusion, le sujet des retraites est éminemment politique, et la plupart des économistes en conviennent. Il fait partie des questions sur lesquelles les candidats pensent indispensable de proposer des réformes, qui souvent s’empilent sans vraiment régler quoi que ce soit, vérifiant ainsi le fameux adage : « il faut tout changer pour que rien ne change ».