Passages à l’acte

Aujourd’hui va se dérouler, bon gré, mal gré, le 5e acte d’une drôle de pièce de théâtre, dans laquelle les personnages n’ont pas toujours tenu le rôle auquel on pouvait s’attendre. Les acteurs en ont été pour la plupart des non professionnels, des amateurs, avec tout ce que cela comporte de positif, de fraîcheur, de spontanéité, mais aussi de négatif avec parfois des improvisations approximatives. Comme dans le théâtre classique, nous en sommes donc à 5 actes, 5 temps d’une narration dont on ne connait pas encore l’épilogue.

Rappelons qu’au 17e siècle, l’âge d’or du classicisme, l’acte, ou l’action, durait le temps de consumation des bougies, et était séparé du suivant par un entracte de durée variable. Dans le mouvement des gilets jaunes, chaque acte s’est déroulé le samedi, on y a brûlé force bougies et les acteurs ont eu le reste de la semaine pour reprendre des forces. Comme dans le théâtre classique, les spectateurs ont pu se livrer à la catharsis, en vivant par procuration les passions et les émotions habitant les véritables acteurs, auxquelles ils pouvaient assister par le truchement des médias ou des réseaux sociaux. Par contre, cette pièce, cette histoire pleine de bruit et de fureur, qui semble n’avoir pas de sens, ne respecte pas la règle dite de la bienséance, qui interdisait de mettre en scène des situations choquantes par leur violence ou leur caractère explicite. Les images y ont abondé, au point que les parents devaient parfois éloigner les jeunes enfants des postes de télévision, devenus vecteurs d’un voyeurisme malsain, dans leur course à l’audience.

Venons-en à présent à la règle la plus connue de ce théâtre, celle des trois unités. Unité d’action, unité de temps et unité de lieu. Nous en sommes très loin. La pièce ne devait se jouer qu’autour d’une seule et même intrigue, qui se dénouait à la fin. Ici, les revendications se sont construites dans l’action elle-même, et bien malin qui pourra en prédire le dénouement, alors qu’un « coup de théâtre » n’est jamais à exclure. Pas plus d’unité de temps. Nous en sommes déjà à 5 semaines, et comme les candidats à un jeu télévisé, les protagonistes n’excluent pas de revenir en 6e ou 7e semaine, voire plus si affinités. Enfin, l’unité de lieu est complètement absente. Le metteur en scène et le décorateur s’arracheraient les cheveux, de ronds-points en barricades, des Champs-Élysées à la Bastille, de Paris à Montcuq, j’en passe et des plus vertes. Une certaine illustration par conséquent de ce que les règles ne sont là que pour être contournées. À certains égards, ce mouvement a pris la forme d’un psychodrame, mais nul ne sait s’il aura un effet thérapeutique sur notre société bien malade.

Commentaires  

#1 jacotte86 15-12-2018 11:42
bien malin qui pourrait écrire la fin de l'histoire le citoyen a souvent la mémoire courte et ne tire pas forcement profit des expériences passées on connait le "plus jamais ça" qui n'arrête pas de se répéter
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