Sully, Baltique, Loubo, Nemo et quelques autres

Sully, le chien labrador qui était chargé d’assister l’ancien président américain Georges Bush père, atteint par la maladie de Parkinson, aura accompagné la dépouille de son maître pour ses obsèques solennelles à Washington. À mon humble avis, il aura mérité autant que son patron un hommage national, car il a accompli son travail de chien-guide pour lequel il a été formé, aussi bien, sinon mieux que son maître, dont le principal titre de gloire a consisté à déployer l’armée américaine dans le désert pour préserver les intérêts pétroliers de son pays.

Sully va, espérons-le, couler des jours heureux au service de vétérans atteints de troubles psychologiques après les sales guerres dans lesquelles les présidents américains les ont engagés. Il semble une illustration parfaite de la phrase attribuée à Mme de Staël qui aurait déclaré : « Plus je connais les hommes, plus j’aime les chiens ». Et c’est vrai qu’avec les chiens, on est rarement déçu. François Mitterrand avait envisagé en manière de plaisanterie (quoique) de nommer sa chienne Baltique au Conseil économique et social. Peut-être une manière de démontrer l’estime dans laquelle il tenait certains politiques de son époque. Quant à Pierre Desproges, on se rappelle son aphorisme au sujet du fondateur du Front national : « Il y a plus d’humanité dans l’œil d’un chien quand il remue la queue que dans la queue de Le Pen quand il remue son œil. » Et puis le gros avantage et la supériorité du chien sur l’homme, c’est qu’il peut être éduqué. On se souvient du chien présidentiel, Nemo, qui, encore tout jeune, avait fait ses besoins sur la cheminée pendant une réunion de son maître, Emmanuel Macron. Je suis certain que ce genre de mésaventure ne lui arrive plus désormais, car il a appris les règles élémentaires de la vie en société, en compagnie des humains. On ne peut pas en dire autant de son patron, qui connait certes les bons usages formels et le savoir-vivre bourgeois, mais qui ne semble toujours pas comprendre les êtres humains qui forment le peuple dont il est à cent lieues, même quand il prend un bain de foule, ce que je lui déconseille en ce moment.

Je ne peux pas terminer cette chronique sans rendre un hommage à Loubo, un berger malinois, qu’Alain Delon n’envisage pas de laisser derrière lui, probablement parce qu’il imagine que l’animal sera inconsolable quand il décèdera. Il a donc décidé de le faire piquer, le jour venu, pour qu’il soit enterré avec lui. Une décision digne de la mégalomanie et de l’égoïsme monstrueux de l’acteur qui se prend pour un dieu vivant et à qui l’on ne peut que souhaiter longue vie pour épargner celle de son chien, qui n’a rien demandé.