Le truchement des syndicats

Voilà une expression que j’adore. Coluche l’utilisait dans un de ses sketches pour souligner le côté rétro des organisations ouvrières, et en particulier FO, dont il faisait sa cible favorite en lui prêtant un slogan débile : « FO, le syndicat, qu’il vous faut ! » nul doute qu’il aurait bu du petit lait de nos jours en constatant que Force Ouvrière connaissait des déboires tels que son secrétaire général a été contraint à la démission après seulement 6 mois à la tête de la confédération.

Une fois encore, c’est le Canard enchaîné qui a révélé l’existence d’un fichier secret listant les principaux responsables de l’organisation en leur accolant des appréciations, dont certaines sont parfaitement scandaleuses en plus d’être totalement illégales. Ce listing informatisé, dont l’utilité est très contestable, est surtout une connerie noire, comme Pascal Pavageau lui-même l’a reconnu. C’est d’autant plus regrettable que le mouvement syndical français se porte déjà très mal, et que l’élection de Pavageau à la tête de FO semblait marquer le retour à une ligne revendicative après la période réformiste incarnée par Jean-Claude Mailly. Depuis les années 70, le pourcentage de syndiqués en France n’a cessé de diminuer, passant de 25 % en 1970 à moins de 7 % de nos jours. La part relative de la CGT, l’organisation la plus revendicative, n’a cessé de baisser au profit de la CFDT, beaucoup plus conciliante, qui est même passée en tête dans le secteur privé.

Le fameux truchement, Coluche est allé le chercher dans le Bourgeois gentilhomme de Molière, qui lui-même l’avait emprunté à l’arabe « targuman » qui désigne un interprète, un traducteur. Et en effet, les syndicats, comme les autres « corps intermédiaires », ont pour mission de traduire les aspirations de leurs mandants afin de leur donner une forme susceptible d’être comprise par le patronat ou par l’état, qui réclament souvent que l’on s’exprime dans un jargon compris d’eux seuls. Faute de ces intermédiaires, les revendications risquent de s’exprimer de façon beaucoup plus spontanée et partant, plus violente potentiellement. Le pouvoir actuel a court-circuité volontairement les organisations syndicales, préférant le passage en force, alors même que certains syndicats auraient volontiers collaboré. Le summum de l’hypocrisie a été atteint avec les déclarations de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, versant des larmes de crocodile sur le triste sort de Force Ouvrière et à travers elle, sur le syndicalisme dans son ensemble, alors qu’elle a tout fait pour l’affaiblir depuis sa prise de fonction, en bon petit soldat du généralissime Macron. Plus que jamais, pourtant, les salariés ont besoin de porte-paroles fiables qui se fassent leurs interprètes dans cette période difficile.