Malaise

C’est la sensation qui résume le mieux mes impressions en voyant les images largement diffusées de la perquisition du local de la France Insoumise à l’occasion de l’enquête sur des emplois présumés fictifs au parlement européen. On y voit Jean-Luc Mélenchon vociférant, à la limite de l’agression physique sur un procureur, dénonçant des procédés selon lui injustifiés et arbitraires. Sa colère évidente s’accompagnait de manifestations de mégalomanie, teintée d’une certaine touche de paranoïa. Cet incident, monté en épingle, est supposé illustrer la persécution dont le pouvoir ferait usage à l’encontre de son opposant principal.

Ce qui me parait le plus gênant dans cette affaire, c’est que Jean-Luc Mélenchon ait reçu le soutien appuyé des députés du Rassemblement National, qui l’ont applaudi chaleureusement dans l’hémicycle, lorsqu’il y a pris la parole. Cela m’a rappelé une formule, attribuée parfois à tort à Voltaire, et qui appartient en réalité à Édouard Herriot, selon laquelle : « En politique, il vaut mieux avoir tort avec ses amis que raison avec ses adversaires ». Édouard Herriot, quelque peu tombé dans l’oubli, était un politicien dont le profil peut faire penser à celui de Mélenchon. Il rejoint très jeune le parti radical au début du vingtième siècle, à une époque où la radicalité n’était pas un vain mot, et se fait remarquer pour ses talents d’orateur. Il mènera une longue carrière comme sénateur, maire de Lyon, député, président de la chambre des députés, ministre et conduira à plusieurs reprises un gouvernement d’union dans le cadre du Cartel des Gauches.

Le renfort inopportun de l’extrême droite s’explique naturellement par un calcul visant à banaliser sa propre mise en cause par le parlement européen qui lui réclame le remboursement des salaires de ses attachés parlementaires employés à des tâches de gardes du corps ou de chauffeur. En personnalisant à outrance ses démêlés avec la justice, Jean-Luc Mélenchon fait le jeu du pouvoir. Suivant en cela une stratégie immuable, il contraint ses partenaires naturels à un soutien sans réserves, voire un ralliement sans conditions, en se réservant le meilleur rôle, celui de chef absolu, opposé à celui qui détient le pouvoir actuellement, tout aussi hégémonique dans son propre camp. Cette intransigeance lui a déjà coûté l’accès au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2017. Pas sûr que le peuple dont il se réclame soit prêt à le suivre dans cette histoire. De victime désignée supposée s’attirer la sympathie, il pourrait vite basculer dans le statut d’agitateur, de provocateur, saisissant le premier prétexte pour se faire de la publicité. C’est évidemment ce que va tenter d’accréditer le gouvernement. L’enjeu, c’est la crédibilité en vue des prochaines échéances électorales.