Fier comme bar-tabac !

J’avais l’intention avec ce calembour, trouvé chez San Antonio et repris par Coluche, d’entreprendre une réflexion sur ce sentiment, cette émotion. Entendue parfois comme positive, car signifiant une indépendance de caractère, un sentiment de son honneur et de sa dignité, et aussi comme la préservation de son amour-propre, exprimant une satisfaction légitime, on l’entend aussi comme la marque d’un orgueil démesuré et d’une arrogance, marque de sentiment de supériorité, comme aussi bien un sentiment exagéré de sa valeur. Être dit fier comme Artaban (héros imaginaire du XVIIe siècle, arrogant, affichant une fierté imbécile dira Racine) comme un paon ou comme un coq n’est pas à recevoir comme un compliment !

En cherchant des situations où s’affichait ce qualificatif, je suis tombée à pieds joints sur le concept de « fierté nationale ». Souvent ressentie d’une façon populaire, mais superficielle, par exemple, parce qu’une équipe sportive a remporté un championnat mondial, c’est un argument récupéré aussi bien par la droite que l’extrême droite, débouchant sur la notion d’identité nationale. Cette dernière ayant pour objectif de créer un repli identitaire, de développer le communautarisme, et de déboucher sur une politique populiste et nationaliste dont on devine les dérives !

Il faut dénoncer cette récupération, car, comme chaque citoyen français, j’ai le droit avec raisons de me sentir fière de mon pays. Cette France traditionnellement pays des droits de l’homme, de la liberté d’expression, du droit à la culture (on l’appelle le pays de Molière), terre d’émigration, porteuse des valeurs républicaines et laïques, devenue une nation cohérente et solidaire par la reconnaissance de notre histoire, la revendication de nos particularités communes. Ce sentiment d’appartenance ne ferme en rien l’ouverture et l’intérêt pour toute autre nation ayant sa propre identité, ouvrant donc largement les frontières, développant des fiertés plurielles, permettant de se sentir citoyen du monde. Ce monde de migration appelé à devenir un melting-pot de populations, qui pour l’instant semblent de plus en plus séduites en Europe comme ailleurs par des discours qui ont plus à voir avec le fascisme qu’avec la démocratie.

Cette fierté que je ne revendique pas hélas, quand elle est mise à mal par des lois ou des décisions qui viennent trahir ses valeurs élémentaires de terre d’accueil et de laïcité, j’ai peur qu’elle soit de plus en plus écornée de jour en jour en même temps que notre démocratie.

Débordée par mon sujet, je n’ai pas exploré les raisons individuelles et intimes qui peuvent développer en chacun de nous ce sentiment légitime de fierté, pour une action, pour une réalisation, pour un dépassement, renforçant notre estime de soi, pas plus que les zones d’ombre tout aussi intimes qui font parfois dire « je ne suis pas fière de moi », mais nationales ou personnelles c’est l’expression de notre humanité !

L’invitée du dimanche