Mauvaise foi

Quand le pape François prend position en faveur du sauvetage des populations contraintes à l’immigration ou qu’il envisage de faire la lumière sur les pratiques de son église vis-à-vis de la pédophilie, on ne peut que l’approuver. Ces avancées démontrent-elles un progressisme et une évolution profonde de la chrétienté, rien n’est moins sûr. Dans son homélie du 10 octobre, consacrée au commandement « tu ne tueras point », il est revenu sur la question de l’avortement et il a franchi un nouveau palier en comparant l’IVG à un meurtre confié à un tueur à gages.

Des propos polémiques destinés à culpabiliser toutes les femmes qui ont recours à cette intervention, qui ne se décide jamais de gaieté de cœur ou par simple convenance, ainsi que tous les professionnels de santé qui les assistent. Il serait probablement plus convaincant si l’église mettait la même énergie à défendre la vie des êtres opprimés dans les nombreux régimes dictatoriaux de par le monde, et dans l’histoire des peuples, y compris récente. Où était la hiérarchie catholique quand l’Allemagne nazie occupait la France ? Ce sont des individus, croyants ou non, qui ont sauvé l’honneur en protégeant des familles juives au péril de leur vie, pendant que le pape de l’époque pactisait avec le persécuteur. Le respect de la vie passait alors bien après des considérations de géopolitique. Sans parler des massacres au nom de la foi, que ce soit l’Inquisition ou la Saint Barthélemy.

Vous me direz que ce pape-là n’a pas ce sang sur les mains. Soit, mais mauvaise foi pour mauvaise foi, le Pape François, s’il ne clame pas que « Dieu reconnaîtra les siens » n’hésite pas à sacrifier la vie de milliers d’Africains ou autres qui ne se protègeront pas du Sida par le port du préservatif, toujours condamné par l’église, au nom d’une conception archaïque d’un commandement qui veut que l’humanité croisse et se multiplie au-delà de toute raison. On sait que l’interdiction du préservatif aboutit à la condamnation à mort de certaines populations, qui n’auront pas les moyens de se soigner et dont la seule chance est de ne pas contracter la maladie. La poursuivre avec obstination est donc un comportement criminel. On voit bien par-là que le respect de la vie est un prétexte à défendre une idéologie conservatrice, voire rétrograde, où la bienveillance apparente n’est qu’une façade pour conserver l’ordre établi. Quant aux membres du clergé qui s’en prennent aux enfants placés sous leur autorité morale ou qui couvrent ces agissements, s’ils ne tuent personne, ils peuvent infliger un châtiment presque pire que la mort à leurs victimes. Et là, le pape peut y faire quelque chose : qu’il balaie donc devant sa porte avec autant de fermeté qu’il en met à condamner l’avortement.