Comme l’alouette au miroir

Le premier tour de l’élection présidentielle au Brésil a porté en tête des suffrages le candidat de l’extrême droite, dont on n’a même pu craindre qu’il n’obtienne la majorité absolue dès dimanche dernier. Pour nous, Européens et Français, un tel résultat est encore incompréhensible. Comment un peuple entier peut-il voter pour un candidat qui se déclare ouvertement sexiste, homophobe, et favorable au port d’armes pour tout le monde ? Nous aurions pourtant tort de penser que nos démocraties sont à l’abri de telles mésaventures.

Personne n’aurait parié un dollar sur la victoire de Donald Trump, au tout début de sa campagne présidentielle, aux élections primaires républicaines. Je n’aurais pas misé non plus un seul shilling sur le succès du Brexit, et j’aurais eu tort. Je n’aurais pas davantage risqué une part de pizza sur la coalition improbable entre les populistes du mouvement cinq étoiles et la droite nationaliste de Salvini, aujourd’hui au pouvoir en Italie. Si l’on ajoute à cela les dirigeants du pacte de Visegrad, Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie, élus démocratiquement certes, mais véritables chevaux de Troie dans l’Union européenne, dont ils s’appliquent à bloquer toute évolution positive, on s’aperçoit que les urnes peuvent apporter bien des surprises désagréables. Nous-mêmes ne sommes pas à l’abri de telles catastrophes, comme on peut en juger avec l’élection surprise d’un outsider absolu aux dernières présidentielles.

J’ai été frappé par les micros-trottoirs réalisés au Brésil juste avant le scrutin. Une bonne partie des personnes questionnées ne croyait en aucune façon que Bolsonaro était sexiste, y compris des femmes, qui auraient dû être naturellement sensibilisées à cette question. Malgré les prises de position publiques du candidat, elles se refusaient à le croire, de même que beaucoup de femmes américaines vis-à-vis de Trump ou de son candidat à la Cour Suprême, le juge Cavanaugh. Le succès des mouvements populistes, au Brésil comme ailleurs, s’explique par le désir irrépressible des peuples à vouloir croire en des jours meilleurs, dussent-ils pour cela tordre le cou à la réalité. Selon une formule attribuée à Albert Camus, « entre la justice et ma mère, je préfère ma mère ». L’homme ne vit pas que de pain, il a besoin d’espoir. Il veut croire à des lendemains qui chantent, même quand il ne croit plus au grand soir. Certains comptent sur une vie dans l’au-delà pour compenser les sacrifices de celle d’ici-bas. Comme le chante Jean Ferrat dans le magnifique poème d’Aragon, « j’entends, j’entends », moi aussi j’ai voulu croire au ciel bleu par moments, comme l’alouette au miroir. L’homme, contrairement à l’alouette, se doute souvent qu’il est en train de tomber dans le panneau, mais les réveils ne sont pas moins cruels.

Commentaires  

#1 poucette 09-10-2018 16:21
et si tu ajoutes les aléas climatiques il y a de quoi faire des cuuchemards
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