Une catastrophe peut en cacher une autre

L’Indonésie a été durement touchée par le séisme de magnitude 7.5 qui l’a frappée le 28 septembre dernier et qui a été suivi par un tsunami dévastateur. Le bilan, toujours provisoire, fait état de près de 2000 morts et risque de s’alourdir encore davantage puisque 5 000 personnes sont présumées disparues. Après bien des tergiversations, le gouvernement indonésien avait fini par accepter du bout des lèvres une aide internationale devant l’ampleur de la catastrophe. Diverses organisations non gouvernementales, dont quelques françaises se tenaient prêtes à intervenir pour apporter un soutien et une compétence permettant de sauver des vies.

C’est ainsi qu’un médecin et deux infirmières de la région Drôme-Ardèche, qui avaient pris sur leur temps et leur argent pour se rendre sur place, n’ont jamais été autorisés à débarquer sur la zone de Palu, où ont eu lieu les plus gros dégâts. Pire, ils ont été fermement invités à rentrer chez eux et n’ont même pas été autorisés à laisser sur place le matériel médical qu’ils avaient amené. La même mésaventure serait arrivée à plusieurs autres ONG. Une attitude qui semble incompréhensible et qui ne peut s’expliquer que par un contexte local, qui ne fait guère honneur à la démocratie indonésienne. Les autorités n’avaient manifestement aucune envie de faire appel à la communauté internationale, car cela pouvait laisser penser que le pays était incapable de faire face à la situation. Une réaction d’orgueil bien mal placé en effet, mais qui peut s’expliquer par le passé de nation colonisée. Portugais et Néerlandais se sont disputé les nombreuses îles qui forment son territoire et son indépendance remonte à l’immédiat après-guerre. Le pays a connu alors une longue période de « démocratie dirigée », traduisez par dictature militaire, et le président actuel, s’il a bien été élu au suffrage universel, reste soumis aux influences des forces souterraines du pays, et notamment la religion musulmane, très largement majoritaire.

Encore l’an dernier, le gouverneur de Djakarta appartenant à une minorité chrétienne, a été condamné à deux ans de prison pour un crime de « blasphème », consistant dans une interprétation personnelle d’une sourate du Coran, utilisée par ses adversaires politiques pour appeler à ne pas voter pour lui. Il y a même une province, celle de Banda Aceh, qui a obtenu un régime d’autonomie par rapport au pouvoir central, qui applique la charia, la loi islamique, en matière d’alcool, de sexualité, de vêtements, etc. depuis 2001. Le président Joko Widodo, bien que lui-même modéré, vit donc sous la double surveillance de la religion et de l’armée, qui n’est jamais très loin des dirigeants et pourrait arbitrer les conflits en cas de besoin.