À boire et à manger
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 5 octobre 2018 10:43
- Écrit par Claude Séné
C’est ce qui me parait résumer le mieux le procès qui vient de se tenir au tribunal correctionnel de Paris. La plaignante, une jeune femme de 22 ans, est devenue célèbre malgré elle fin juillet à la suite de l’agression qu’elle a subie et qui a été largement médiatisée grâce aux images d’une caméra de vidéosurveillance. Après des propos sexistes, et la protestation de la victime, son agresseur avait lancé un cendrier dans sa direction avant de venir la gifler violemment. Il écopera pour cela d’une condamnation à un an de prison, dont 6 mois avec sursis.
La cause des femmes aurait donc été entendue ? Plus ou moins. Le tribunal ne s’est prononcé que sur les faits de violence, estimant que le chef d’accusation de harcèlement pourtant retenu par l’enquête policière n’était pas établi, et cela malgré les témoignages et la bande vidéo. Les faits se sont déroulés juste avant le vote de la loi sur les violences sexistes et sexuelles, il n’y a donc pas d’effet rétroactif. La connotation sexiste a toutefois été reconnue « par la bande », puisque l’agresseur devra effectuer un stage de sensibilisation aux dites violences. Une peine dont on peut douter de l’efficacité, mais qui prend ici une valeur symbolique.
Comme toujours, un procès est un mélange de situations particulières et de principes généraux de justice. Le prévenu du jour avait un passé peu flatteur, entre condamnations pour vol avec violence et proxénétisme aggravé, ou des coups sur sa propre mère et un enlèvement avec séquestration. Son expertise psychiatrique n’a pas pu se dérouler faute de coopération. Il reconnait la plupart des faits, il réfute avoir employé le mot « sexy », mais ne nie pas « aguicheuse ». Son avocate demandera qu’on ne lui fasse pas porter tout le poids d’un phénomène de société qui le dépasse. Soit, mais si la justice ne statue pas quand les faits sont établis aussi clairement, quand le fera-t-elle ? L’accusé est probablement en effet un pauvre type, SDF de surcroit, mais malheureusement exemplaire du sexisme ordinaire. Ce qui est peut-être le plus préoccupant dans cette affaire, c’est la violence des réactions observées sur les réseaux sociaux où c’est la victime qui a fait l’objet de graves insultes et de menaces pour avoir osé se rebiffer et porter plainte. On mesure par là tout le chemin qui reste à parcourir avant que les violences sexistes, qu’elles se déroulent dans l’espace public ou dans la sphère privée, deviennent l’exception et non plus la règle comme c’est encore trop souvent le cas aujourd’hui.