Démissions

Cherchez l’erreur. Gérard Collomb a présenté sa démission de ministre de l’Intérieur au Président de la République, qui l’a refusée. Quelques heures auparavant, Charles Aznavour a présenté la sienne au Bon Dieu des chanteurs et des comédiens qui n’a rien trouvé de mieux que de l’accepter. Et j’ai repensé à Jacques Brel, cet autre monument de la chanson française, qui disait dans un de ses textes : « moi, si j’étais le Bon Dieu, je crois que je ne serais pas fier, je sais, on fait ce qu’on peut, mais, il y a la manière ».

On avait fini par croire que Charles Aznavour était immortel, ou qu’il mourrait sur scène, comme on a coutume de le dire à propos de Molière, bien qu’il soit rentré mourir chez lui après un malaise en représentation, ou encore qu’il attendrait au moins d’être centenaire et d’avoir effectué une ultime tournée d’adieu. Qu’est-ce que c’est que cette façon de tirer sa révérence en pleine fleur de l’âge ? À 94 ans, Aznavour était plus jeune que bien des nouveaux venus dans ce métier. Sa voix avait été préservée presque miraculeusement, nous épargnant le crève-cœur du naufrage musical d’une Barbara que l’on a laissée faire les concerts de trop à la fin de sa vie. Charles Aznavour a pu chanter jusqu’au bout avec justesse dans tous les sens du terme : « la voix est là, le geste est précis et j’ai du ressort ». Alors il est certain que je ne suis pas le Bon Dieu, ce qu’à Lui ne plaise, mais j’aurais fait tout le contraire. J’aurais dit « bon vent » à Gérard Collomb, en pensant in petto : « passe encore de bâtir à son âge, mais planter… » et en souhaitant bonne chance aux Lyonnais. Mais j’aurais opposé un véto catégorique à la désertion en rase campagne de Charles Aznavour. Non, mais !

En revanche, je n’ai aucune objection concernant la démission de Manuel Valls en tant que député de la République française pour aller tenter sa chance à Barcelone. À vrai dire, on aurait pu croire qu’il était parti depuis longtemps, tant son absence nous avait si peu affectés. Il faisait partie de ces êtres dont le manque ne dépeuple pas le monde, en tout cas pas le mien. Il était arrivé dans notre firmament comme une étoile filante, il en sort de même, et la terre continue à tourner. Je ne serais d’ailleurs pas étonné que ce soit le destin de celui qui l’a supplanté dans la course à la présidence : il a été lancé comme un paquet de lessive, et il retombera… dans l’oubli comme le prédisait Coluche en son temps.