Mon 68 à moi.

Après la large évocation par les médias de l’anniversaire du  22 mars de l’occupation de l’université de Nanterre, premier germe des événements de mai 68, je prends un peu d’avance, pour évoquer ce qui restera toujours dans ma mémoire de ce printemps-là.

Ma modeste, mais efficace participation s’est passée dans la cuisine de l’école normale de Nantes, lieu de rencontre de grévistes de tous horizons. Je me suis retrouvée à gérer toute l’intendance de cette énorme école avec pour charge de mettre en place quotidiennement 300 repas, sans le personnel technique lui-même en grève. De l’achat des marchandises jusqu’à leur transformation en menus et à l’encaissement de la participation des commensaux au plus juste prix, tout a été pris en main par des grévistes n’appartenant pas à l’intendance. Notre fierté a été de dégager un bénéfice considérable pour l’époque, de plus de 3000 fr. que nous avons remis au Secours populaire.

Riches de rencontres, les assemblées générales permettaient de supprimer la hiérarchie, la parole de « la  camarade directrice » n’avait pas plus d’importance que celle de n’importe quel participant. Tout se passait dans un climat de fraternité, on échangeait nos rêves, on voulait croire à un monde différent.

Je n’ai participé à aucune manifestation, pour assurer la sécurité de mes filles, leur père qui occupait la centrale de Cheviré m’y représentait, et je me sentais toujours totalement impliquée dans les défilés.

J’ai souvenir malgré ce principe, d’avoir risqué l’accident, alors qu’avec ma petite 4CV, je faisais le plein d’essence, grâce un bon donné par les comités de grève, pour pouvoir aller au ravitaillement en campagne, j’ai été prise à partie par un groupe d’hommes me prenant pour une nantie de droite. Ils se sont mis à plusieurs pour soulever ma voiture comme un fétu de paille (moi toujours en volant) et puis la laisser retomber violemment, je ne sais pas jusqu’où ils seraient allés si je n’avais pas montré mon bon de gréviste !

C’est l’époque la plus riche de ma vie, en prise de conscience, en prise de confiance, en échanges de tous ordres, en tissage de liens amicaux et professionnels, en  « moments de grâce » où je me suis sentie le droit d’être libre et autonome et de m’affirmer autrement que comme une épouse passive. C’est grâce à mai 68, que j’ai revendiqué, comme tant d’autres, d’être maîtresse de mon corps, et que passant outre l’interdiction de mon mari, j’ai pris la pilule contraceptive. C’était ma révolution, et ma vie s’en est trouvée complètement changée, comme la vie de beaucoup d’autres citoyens, tant pis si la suite politique a été dure, les acquis des accords de Grenelle sont restés une victoire. Il y a eu la société avant 68 et après 68.

J’aime à rêver que tous les mouvements qui germent en ce moment, des universités, des cheminots, en passant par les agents EDF… vont réunir leurs forces pour imposer d’autres changements que ceux décidés par le pouvoir en place ! Vive mai 2018.

L’invitée du dimanche

Commentaires  

#1 Isabelle 08-04-2018 13:12
Waoh!J'ai envie de dire que ceci est un de tes meilleurs billet, sinon LE meilleur! Bravo et merci!
Isabelle
PS J'ai quand même eu peur à l'épisode de la "quatre pattes
" que j'avais oublié.
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