Taille mannequin

Un petit évènement s’est produit en marge de la manifestation du 7 avril dernier à Nantes. Un mannequin à l’effigie du président de la République a été frappé symboliquement avant d’être pendu puis brûlé par des manifestants cagoulés pour ne pas être reconnus. Très rapidement, des membres éminents du parti présidentiel se sont indignés et ont fait savoir leur colère devant un acte qu’ils qualifient d’appel au meurtre. De son côté, le syndicat Solidaires, plutôt très à gauche, a justifié l’action de ces jeunes par l’exaspération suscitée par les réformes du gouvernement.

Le président de l’Assemblée nationale en personne, François de Rugy, peut-être parce qu’il est député de Loire-Atlantique et fraichement converti au macronisme, s’est cru obligé de monter au créneau en utilisant le terme de scandale. Les porte-parole de la majorité se sont offusqués de cette « violence » toute symbolique. Je ne cautionnerai pas pour ma part des méthodes un peu excessives, mais je pense qu’il y a une bonne dose de tactique et de feinte émotion dans ces réactions exagérées et pour tout dire sur jouées. Qui peut croire que ce genre de défoulement débouche en l’état sur des passages à l’acte sur des personnes physiques ? Ils ont pourtant raison de s’inquiéter sur un point. Un peu moins d’un an après l’élection présidentielle, l’état de grâce est bel et bien fini. Cela s’est traduit dans les courbes de popularité du président et de son Premier ministre qui continuent à baisser inexorablement.

Parallèlement à ce déclin global, habituel dans tous les quinquennats récents, le masque du ni droite ni gauche fait de moins en moins d’effet. Emmanuel Macron est désormais clairement identifié à droite ou au centre droit par une majorité de Français. S’il conserve la confiance de son socle électoral personnel, il perd la frange de sympathisants plutôt à gauche qui ont voulu faire barrage à Marine Le Pen. Autre signe de la dégradation de son image : cette aide-soignante qui a refusé de lui serrer la main à Lorient lors d’une visite où il avait snobé le personnel hospitalier et ses revendications. Petit à petit, le président des riches et le président des villes se sont fait tailler un costard, qui leur va comme un gant et il faudra beaucoup de force de persuasion pour faire croire à nouveau à l’image du président cool, jeune, moderne et dynamique, qui lui a permis de donner le change pour se faire élire. S’il est vrai qu’il ne manque pas de courage physique pour argumenter avec ses contradicteurs, il va désormais être jugé sur ses actes, et ils ne sont pas convaincants. De l’issue des conflits en cours peut dépendre le sort du quinquennat et de son président.