Il faut qu’une porte…

… soit ouverte (ou fermée, bien sûr), mais ouverte de préférence pour pouvoir l’enfoncer plus facilement. Du moins est-ce l’impression que donne le gouvernement au sujet des écoles maternelles dont les assises se tiennent actuellement. Tout laisse à penser que le président et son staff se sont demandé quelle mesure spectaculaire on pourrait prendre, tout en ne dépensant pas un centime de plus. Car il ne faut pas déconner non plus avec le budget si l’on veut rester dans les clous des 3 % de déficit autorisés. Bingo ! On va rendre obligatoire la scolarisation dès l’âge de trois ans.

Comment ça, 97 % des bambins fréquentent déjà la maternelle de leur plein gré, et surtout à la demande des parents pour qui cela représente un mode de garde moins coûteux que tout autre ! Justement ! Personne ou presque ne s’y opposera, ce qui n’est pas négligeable en ce moment où l’accumulation des réformes provoque quelques mécontentements. Il est bien clair que cette mesure n’a d’intérêt pour le gouvernement qu’à la condition de se faire à moyens constants. Et parlons-en justement, des moyens. S’il est vrai que l’école maternelle française a été un temps à la pointe de la modernité et de la recherche pédagogique, dans la lignée des écoles Montessori par exemple, elle a perdu depuis assez longtemps cette réputation d’excellence. Le fait que le taux d’encadrement y soit d’un adulte pour 22 enfants, quand il est à un pour 13 en moyenne en Europe, n’y est probablement pas pour rien. Et le nouveau Maitre Jacques nommé à l’éducation ne fera pas plus de bonne chère si l’on ne lui alloue point plus d’argent. Si la plaie d’argent n’est pas mortelle, elle peut tuer dans l’œuf les meilleures intentions du monde. Le fameux dédoublement des CP en zones ultra-prioritaires a certes permis dans de nombreux cas d’améliorer la relation maitre élève, mais a aussi servi de prétexte à un certain nombre de fermetures, quoi qu’en dise le ministre.

On peut reconnaitre au projet gouvernemental la qualité de prendre ses sources à de bons auteurs. Le psychiatre Boris Cyrulnik, qui fait autorité en la matière y a apporté sa caution morale. Le linguiste réputé Alain Bentolila a de son côté inspiré certaines des mesures envisagées, et l’on peut en faire crédit au ministère. Il ne faudrait cependant pas que l’on en reste au stade des effets d’annonces comme c’est souvent le cas avec un pouvoir plus occupé à faire connaître son action qu’à tenir compte des avis du terrain, dont on ignore s’il le consulte pour la forme ou pour en escompter des propositions constructives. On aimerait mieux que le ministre se penche sur les effectifs et les conditions d’apprentissage.