La mayonnaise à moitié pleine

Les journaux avaient prévenu : ce jeudi serait un jeudi noir dans les transports. À la SNCF, d’abord, puisque des appels à la grève étaient lancés par une organisation syndicale au plan national et quelques mots d’ordre plus locaux de la part des autres centrales pour soutenir l’action. Le transport aérien était également perturbé, et l’on s’attendait à un surcroît de circulation routière, soit parce que certains voyageurs habituels prendraient leur véhicule plutôt que les transports en commun, soit qu’ils auraient recours au covoiturage.

À cela s’ajoutaient les perturbations dans les services publics du fait des mouvements des fonctionnaires, et les difficultés pouvant surgir des manifestations organisées à Paris et dans les principales villes de province, pardon, dans les régions. L’enjeu était évidemment symétrique pour les syndicats et pour le gouvernement. D’un côté, une forte mobilisation ouvrait la porte à des négociations sur les principaux points de divergence ou de contestation des projets des réformes dans leurs aspects les plus néfastes, de l’autre, une certaine désaffection des protestations permettrait de continuer de faire passer à marches forcées le programme de Mr Macron et de ses soutiens. La plus grande crainte du gouvernement serait évidemment que les mouvements catégoriels existants, auxquels il faudrait ajouter les inquiétudes de la jeunesse, des retraités et du monde paysan, ne s’agglutinent et « coagulent » pour déboucher sur un mouvement polymorphe et pratiquement inarrêtable.

De leur côté, les représentants syndicaux espèrent que la mayonnaise prenne, car une grève ne se décrète pas. À l’issue de cette journée, il est impossible de savoir si la mayonnaise montera ou non. Selon son degré d’optimisme et le côté vers qui penche son cœur, on pourra considérer que le bol est à moitié plein ou à moitié vide. Pour ma part, j’y vois une lueur d’espoir après des années assez démoralisantes, un frémissement pouvant annoncer des jours enfin meilleurs. Premier signe encourageant, la forte mobilisation des conducteurs à la SNCF, qui ont envoyé un signal clair à la fois à l’état, à l’entreprise et aux usagers. Deuxième point positif, l’état de l’opinion publique, qui est certes partagée, mais ne rejette pas massivement le mouvement malgré la gêne inévitable engendrée par les actions. Troisième point intéressant, et non des moindres, la reconstruction débutante d’un front syndical, qui semble en marche, avec le retour attendu des organisations « réformistes » vers un type d’action plus musclée et surtout plus unitaire. C’est encore timide, mais il semblerait que la base pousse dans ce sens, et qu’elle finisse par obliger les directions à s’entendre. Alors que la gauche n’est plus en ce moment qu’un champ de ruines, les mouvements sociaux pourraient ainsi forcer le pouvoir à tempérer ses ardeurs libérales.

Commentaires  

#1 poucette 23-03-2018 11:38
je partage ton demi optimisme...;1200personnes à la manif de Châtellerault; c'est tout de même pas si fréquent ,à suivre
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