Télescopage

Alors que se tient en ce moment le procès des activistes de Tarnac, du nom de ce village de Corrèze où vivait une petite communauté de militants de la mouvance anarchiste, qualifiés dans un premier temps de terroristes, se déroulait un attentat perpétré au nom de Daesch, tout ce qu’il y a de plus réel et de plus meurtrier celui-là, dans la banlieue de Carcassonne. Cette mise en perspective donne un éclairage particulier à l’opération de propagande menée par le gouvernement de l’époque, dirigé par François Fillon sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

En 2008, des lignes SNCF sont l’objet d’un sabotage au moyen de crochets métalliques fixés sur les caténaires, entraînant des retards sur les TGV. Quelques jours plus tard, la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, annonçait triomphalement le démantèlement d’un réseau terroriste, déjà sous surveillance, et que l’on aurait pris quasiment la main dans le sac. Des 20 personnes interpelées, seules 9 restaient en garde à vue, dont 5 seront mises en examen, pour finalement aboutir à l’abandon de la classification de terrorisme et un procès en correctionnelle concernant un délit d’association de malfaiteurs, dans lequel sont poursuivis essentiellement Julien Coupat, considéré comme l’idéologue du groupe, et sa petite amie de l’époque. L’accusation repose principalement sur un rapport de filature du couple dans la journée et la nuit où se sont déroulés les faits. De fortes suspicions que le procès-verbal ait été arrangé après coup, pèsent sur l’enquête policière. La justice rendra son verdict, mais un scénario possible serait que les services chargés de la surveillance aient voulu faire plaisir à leur hiérarchie en bouchant les trous dans la filature. Ils n’ont quand même pas affirmé avoir vu les suspects assembler les perches, escalader la clôture et fixer les crochets, alors qu’ils ne les auraient pas lâchés de la nuit.

Tout cela apparait bien peu sérieux au regard du risque véritable et de la menace que représente aujourd’hui le fanatisme de l’état islamique. Après quelques mois de répit, pendant lesquels les services antiterroristes ont déjoué des projets d’attentat, une nouvelle attaque a frappé la France, malgré les précautions et le travail des forces de l’ordre. Un travail de fourmi, et qui ne peut pas garantir une sécurité absolue. L’auteur de la tuerie de Trèbes faisait partie des presque 20 000 suspects potentiels et n’avait pas donné de signes d’un passage à l’acte imminent. On comprend bien qu’il n’est pas possible de surveiller activement autant de personnes simultanément. Le courage et l’abnégation du lieutenant-colonel de gendarmerie qui s’est sacrifié en prenant la place des otages et qui a malheureusement perdu la vie, contraste avec la légèreté des policiers de la Sous-Direction antiterroriste de l’affaire de Tarnac, instrumentalisés par les politiques et protégés par un secret-défense abusif.