L’homme malade de l’Europe
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 26 septembre 2017 10:42
- Écrit par Claude Séné
Depuis que cette expression attribuée au Tsar de toutes les Russies, Nicolas premier, a été inventée, elle a désigné successivement différents pays comme une sorte de mistigri que l’on essaye de refiler à son voisin. Après avoir pointé l’Empire ottoman, l’Autriche, le Royaume-Uni, le Portugal, la Grèce ou l’Italie, elle pourrait être remise à l’honneur à l’occasion des élections allemandes qui ont vu la percée historique du parti d’extrême-droite AFD, devenu la troisième force la plus importante du pays, derrière les conservateurs de Madame Merkel et les sociaux-démocrates de Martin Schulz, tous deux en net recul.
L’Allemagne n’est pas le seul pays, européen ou non, à voir grandir des forces xénophobes et racistes, tant s’en faut. Elle possède néanmoins un statut particulier en raison de « l’héritage » néfaste qu’ont laissé les nazis et le spectre du retour d’une nation hégémonique et conquérante. On prête aux Allemands une sensibilité particulière qui les rendrait plus perméables à certaines idées, qui ne sont en réalité et malheureusement que trop répandues. La tentation est grande et certains journaux n’y ont pas résisté, de titrer sur le retour des nazis dans la vie politique allemande. Comme souvent, la réalité est plus complexe. L’Alternative Für Deutschland, ce mouvement prônant une politique nationaliste, islamophobe et anti-immigrés, comporte plusieurs courants, dont l’un est effectivement nostalgique du troisième Reich, mais d’autres sont issus de la droite conservatrice, du propre parti de la Chancelière Angela Merkel, ou des libéraux du FDP, avec qui elle va sans doute devoir passer un accord pour gouverner. Sans oublier la faction des chrétiens fondamentalistes assez proches de la Manif pour tous en France. C’est cette coalition de circonstance, assez hétéroclite en fait, réunie par l’attrait du pouvoir et une même propension au populisme, qui a réuni près de 13 % des suffrages, ce qui va lui permettre de disposer de 94 sièges sur 709 au Bundestag. Une percée spectaculaire puisque ce parti n’avait jamais réussi à obtenir le moindre représentant jusqu’ici.
De là à pouvoir infléchir la politique de l’Allemagne, il reste encore de la marge puisque Angela Merkel a d’ores et déjà écarté l’hypothèse d’une coalition avec l’AFD, mais le parlement offre à cette mouvance une caisse de résonance qui a de quoi inquiéter. Au fond, les valeurs prônées par l’AFD sont assez proches de celles du Front national en France, et force est de constater que si nous appliquions le mode de scrutin allemand, nous aurions un groupe parlementaire FN beaucoup plus influent et nombreux que son homologue d’outre-Rhin. Un rapide calcul démontre qu’avec 20 % des suffrages, le FN pourrait disposer de 110 à 120 députés, une minorité de blocage à la capacité de nuisance importante. Et si c’était la France, l’homme le plus malade de l’Europe ?