La merguez de la discorde

Je ne verserai pas de larmes de crocodile sur la dispute existentielle qui oppose les dirigeants du Front national en ce moment, sur un épisode connu sous le nom de « couscousgate ». L’objet du délit, c’est une photo sur laquelle figure le vice-président du parti d’extrême droite en train de déguster un couscous dans un restaurant de Strasbourg. Tollé chez certains militants traditionalistes, qui y voient l’illustration de la trahison incarnée par le conseiller et l’inspirateur de la ligne idéologique suivie par leur parti aux élections présidentielles.

Florian Philippot aura beau traiter cette polémique par le mépris en la qualifiant de ridicule et ses adversaires de crétins, elle traduit une crise sérieuse à l’intérieur de son parti et l’affaiblissement de sa position aux côtés de la présidente, dont il a été le plus proche conseiller. Le fond de la dispute concerne le souverainisme défendu par Philippot contre vents et marées, mais mis à mal pendant la campagne quand la candidate a édulcoré son propos sur la sortie de l’euro, voire de l’Europe. L’échec de Marine Le Pen et notamment son débat raté de l’entre-deux tours, ont amené la base à remettre en cause sa légitimité et surtout celle de son principal inspirateur, objet de toutes les critiques.

En fondant son propre mouvement, Les patriotes, dont il assume la présidence parallèlement à ses fonctions au sein du FN, Philippot veut prendre date pour de futures échéances, à commencer par le congrès prévu en mars prochain. Sommé de choisir entre ces responsabilités, il persiste et signe. Chacun devine que la logique ultime de cette position ne peut être qu’une scission, tant il reste vrai qu’il faut porter le nom de Le Pen pour diriger ce parti. Les Mégret ou Gollnisch en ont fait l’expérience en leur temps. Autant dire que lorsque la tante, Marine, aura décidé de passer la main, ou que son opposition aura réussi à la pousser vers la sortie, il faut s’attendre à ce que le flambeau qui constitue l’emblème de ce parti nationaliste et xénophobe soit repris par la nièce, Marion, qui s’est mise en retrait pour mieux rebondir le moment venu. Ce qui signifie que l’OPA espérée par Florian Philippot n’a pratiquement aucune chance d’aboutir, car il se heurtera à l’opposition de la fraction la plus réactionnaire, à la fois sur la ligne politique et sur les questions de société, proche de la manif pour tous et de ses satellites. Quant à la survie d’un rejeton issu de la maison FN, elle est voisine de zéro si l’on en juge par la carrière éphémère du Mouvement national républicain de Bruno Mégret. J’aimerais que le Front national s’étrangle avec son couscous ou sa choucroute, mais je n’y crois guère.