Tous fainéants !
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 16 septembre 2017 10:47
- Écrit par Claude Séné
Il y a des formules qui font mouche. Parfois avec l’assentiment de leur auteur, qui les a soigneusement peaufinées et calibrées pour atteindre son objectif, et parfois à l’insu de son plein gré, en échappant totalement à la volonté de leur créateur. Le « Je ne céderai rien aux fainéants » prononcé par Emmanuel Macron à l’occasion d’un déplacement à Athènes, fait partie de la deuxième catégorie. Selon lui, il n’a rien à regretter d’avoir utilisé ce terme de fainéants, par lequel il visait, semble-t-il, ses prédécesseurs, mais ses effets sont pourtant dévastateurs.
Sarkozy l’avait déjà employé en son temps quand il disait ne pas vouloir être un « roi fainéant », sous-entendu comme Jacques Chirac, et les Français ont eu l’occasion de constater les dégâts provoqués par son activisme forcené au service d’une politique réactionnaire et profondément inégalitaire. Si c’est cela que veut dire Emmanuel Macron, et il en prend bien le chemin avec ses premières mesures sur le Code du travail, non merci. Mais le propos a échappé totalement à son auteur, et les gens, les vraies gens, comme dirait Jean-Luc Mélenchon, dont j’attends toujours qu’il me présente les fausses, ont pris ça pour eux. Il faut dire que Macron n’en est pas à son premier dérapage démontrant son profond mépris pour la classe ouvrière en général, et les plus modestes en particulier. C’est bien lui qui traitait les ouvrières de Gad d’illettrées, et qui insultait un jeune manifestant en le suspectant de ne pas travailler suffisamment pour se payer un costard comme le sien.
C’est toujours le même bon vieil argument, sur lequel est également fondée la méritocratie, selon lequel chacun n’a que ce qu’il mérite. Dans une société où le dernier téléphone à la mode coûte plus cher qu’un mois de salaire payé au SMIC, on voudrait nous faire croire que les 5 ou 6 millions de chômeurs, recensés ou non, ne veulent pas travailler ? Que les mieux payés le sont à raison de leurs compétences, et par conséquent que les autres ne sont pas dignes de toucher plus ? Que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ? Qu’il faut faire confiance aveuglément à ceux qui nous gouvernent et ne pas leur demander de comptes ? Il y a pas mal de citoyens qui se sont sentis visés par cette qualification de fainéants, eux qui triment souvent pour un salaire de misère, ou qui estiment avoir droit à une retraite décente après avoir cotisé toute leur existence, ou qui voudraient bien trouver un job, même précaire comme c’est de plus en plus souvent le cas. Comme les communards chantés par Potier, ils déclarent : « c’est la canaille, eh bien, j’en suis ! »