Mademoiselle
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 12 septembre 2017 09:10
- Écrit par Claude Séné
Aujourd’hui, je ne vais pas réagir sur un fait d’actualité, mais vous raconter une petite anecdote qui m’est arrivée il y a quelques jours, et dont je ne sais pas trop quoi penser. Peut-être le fait de la mettre par écrit va-t-il m’aider à y trouver un sens, alors qu’il semble bien s’agir précisément de non-sens. L’histoire se passe à Bayonne, une ville où je viens pour la première fois. Je suis dans la rue, devant un magasin qui vend des tissus et des toiles basques, et j’entends de loin quelqu’un qui parle très fort, sans pourtant crier.
Je ne comprends que la première partie de son apostrophe, c’est une voix féminine qui répète : « Mademoiselle », suivi d’un mot que je ne saisis pas, mais qui doit être un nom. La voix se rapproche et finalement une femme se présente. Je ne lui donne pas d’âge, peut-être la trentaine, ou plus, on ne sait plus de nos jours. Elle pique droit sur moi, se plante devant moi et me débite un discours apparemment incohérent, bien que se déroulant avec une apparence de logique. Je vais essayer de vous en citer les passages dont je me souviens. Ça donne à peu près ceci :
« Vous avez entendu le concert de Jean-Michel Jarre ? C’est beau, hein ? Il y a des voix… Patrick Juvet parle de moi, pourtant il ne me connait pas… » La femme regarde alternativement le sol et mes yeux sans pouvoir apparemment fixer son regard sur l’un ou sur l’autre. Je remarque qu’elle a de mauvaises dents. Machinalement, je passe dans une attitude de « neutralité bienveillante », reste de pratique professionnelle. Je hoche discrètement la tête. Je ne veux ni l’encourager ni la rembarrer. À vrai dire, je ne sais pas trop que faire, comme un peu sidéré par cette harangue qui ne s’adresse pas vraiment à moi. Elle poursuit en évoquant « l’hôpital psychiatrique d’Argenteuil, et les infirmiers, qui sont de mauvaises gens », d’où je déduis que son comportement n’est pas nouveau et l’a amenée à faire un ou plusieurs séjours en service spécialisé. Après un dernier discours sur Jean-Michel Jarre, elle s’interrompt assez abruptement et me dit au revoir comme une personne tout à fait saine d’esprit et s’en va, me laissant dans une certaine confusion à mon tour. Je l’ai laissée partir, sans avoir prononcé une parole en ce qui me concerne, et ce n’est qu’après coup que je me suis interrogé sur le fait qu’elle pouvait bien avoir fugué d’un établissement et que je n’avais pas eu le réflexe d’essayer d’en savoir un peu plus. J’espère que « Mademoiselle » va bien et qu’elle reçoit les soins dont elle semble avoir besoin.