Risques et périls

Qu’on se le dise, non seulement les lanceurs d’alerte ne sont pas reconnus pour ce qu’ils sont, des bienfaiteurs de la société, mais désormais, ils doivent savoir qu’ils exercent ce qu’ils considèrent comme étant leur devoir à leurs risques et périls. J’en veux pour exemple le procès qui se déroule actuellement et qui vise des militants de l’association L214 qui s’étaient introduits en 2016 dans un abattoir de la région parisienne afin de filmer les méthodes employées pour tuer les porcs. Ils sont donc poursuivis pour violation de domicile et atteinte à la vie privée.

Ces 2 militants risquent un an de prison et de 15 000 à 45 000 € d’amende et l’abattoir réclame 219 000 € de dommages et intérêts. C’est évidemment une infraction de s’introduire chez autrui, mais comment peut-on apporter la preuve des irrégularités, si elles existent, sans utiliser de telles méthodes ? Il va sans dire que l’association ne choisit pas ses cibles au hasard, mais qu’elle intervient sur signalement d’une personne qui a été témoin de ce qui s’est passé. Au lieu d’être reconnaissante aux lanceurs d’alerte de l’aider à maintenir ou à créer des conditions plus dignes de l’exercice de ses fonctions, la société se donne comme priorité de faire cesser les scandales, non pas en les éliminant, mais en bâillonnant ceux qui en rendent compte. Et elle mobilise la justice, mais aussi la police et la gendarmerie pour l’assister dans ce dessein, alors que ces institutions sont saturées par les affaires courantes, autrement plus importantes pour la plupart, et dont le traitement en est retardé d’autant.

Ce qui est vrai pour les défenseurs des droits des animaux l’est tout autant pour bien d’autres causes. On peut rappeler le combat difficile d’Irène Frachon pour faire cesser le scandale du médiator, ou les tracasseries permanentes contre ceux qui viennent en aide aux migrants. Ce sont des taches sur notre honneur national, mais il faut reconnaitre que la France n’a pas le monopole de ces détournements de l’action publique. Partout dans le monde la raison d’État est bien souvent la meilleure parce qu’elle est celle du plus fort. Edward Snowden, auteur de révélations sur les méthodes employées par les services secrets américains, est toujours en Russie qui lui a donné l’asile jusqu’en 2020, et il ne peut rentrer chez lui sans encourir de lourdes sanctions. Quant à Julian Assange, fondateur de Wikileaks, qui a révélé de nombreux scandales et abus de pouvoir, il est toujours bloqué à l’ambassade d’équateur à Londres, dont il ne peut sortir sans se faire arrêter et extrader aux États-Unis. Il est tellement plus simple de punir ceux qui dénoncent les délits que ceux qui les commettent et sont plus haut placés.