Casque à pointes

Le récent épisode qui a opposé un député fraîchement élu de la République en Marche à un membre du Parti socialiste m’a paru dans un premier temps relever davantage du vaudeville que de la politique au sens strict du terme. Il y a quelque chose de pitoyable à voir deux personnes supposées civilisées en arriver à s’écharper pour des différends idéologiques, que l’on verrait mieux relever de la joute verbale que du pugilat ou du pancrace. L’affaire a cependant pris une très mauvaise tournure, qui oblige à s’interroger sur nos mœurs, notamment politiques.

 Pour ce que l’on peut en savoir, les deux protagonistes se connaissaient depuis leur appartenance commune au Parti socialiste, où ils partageaient le même intérêt pour les Français de l’étranger, mais visiblement pas les mêmes options, puisqu’il semble qu’ils s’y détestaient déjà cordialement. Leur inimitié a survécu à la transhumance de certains socialistes vers le mouvement de l’actuel président, et ils ont continué à se disputer, l’un élu député des Français de l’étranger, l’autre secrétaire national du Parti socialiste pour ces mêmes ressortissants. J’ignore totalement le contenu de leurs divergences, et lequel des deux « aurait commencé », comme on dit dans les cours de récré, le jour de leur altercation. Ce qui est avéré, c’est que le député a porté des coups de casque de scooter au militant socialiste, et que celui-ci a dû être hospitalisé dans un état jugé sérieux.

Cet incident rappelle des violences telles que celles qui ont entraîné la mort de Clément Méric, militant antifasciste bousculé par des gros bras d’extrême droite. Ce qui surprend ici, c’est que de tels antagonismes surviennent entre anciens « camarades » de parti. Comment ont-ils pu cohabiter, ces sociaux libéraux qui se sont identifiés à Emmanuel Macron, qui ont porté son projet présidentiel, dont on commence à voir les effets néfastes aujourd’hui, et les gauchos, fidèles aux idéaux de la gauche d’antan ? Il n’y avait pas grand-chose de commun entre un Manuel Valls, qui n’a même pas touché les trente deniers de sa trahison de la parole donnée, et un Benoît Hamon, pris en étau par Macron à droite et Mélenchon à gauche. De la défaite électorale aux présidentielles et aux législatives est née la nécessité d’une refondation peut-être salutaire du vieux parti, issu de la SFIO. Certains proposent de changer le nom, de le transformer en « les socialistes ». Ce serait à mon sens acter officiellement que ce parti de gauche renonce à rassembler et accepte de recevoir des individus disparates, sans chercher une nécessaire cohésion et une indispensable cohérence, à l’instar des deux formations attrape-tout que sont les Républicains et les En marche. Comme il le disait autrefois, le PS ne pourra pas faire l’économie d’une analyse sérieuse de la réalité.