Haute couture

Depuis son accession au pouvoir, Emmanuel Macron a développé une tendance déjà visible pendant la campagne électorale, celle de son aptitude à travailler le flou. Le président s’applique à lancer des idées suffisamment vagues pour ne pas en faire, justement, des vagues, tout en lui permettant, le moment venu, de s’en servir pour faire passer des pilules plutôt amères. À l’instar des vêtements « déstructurés », son projet de code du travail, pour ne citer que lui, s’efforce de rester dans un flou artistique digne du style du photographe controversé David Hamilton.

Comme le disait Martine Aubry en d’autres temps pas si lointains, en citant sa grand-mère, quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup. En l’occurrence, ce loup, on le connait bien : c’est le fameux loup libre dans la bergerie libre, cher au Medef, et aux tenants de l’ultralibéralisme. Le FMI ne s’y est d’ailleurs pas trompé, qui a délivré un satisfecit doublé d’un certificat de bonnes vie et mœurs au président français pour ses coupes budgétaires et ses projets de casse sociale. Un bon exemple de la culture « flou », c’est le projet de restructuration des collectivités locales, annoncé en pointillé au travers de mesures isolées, convergeant vers un objectif commun. Le premier acte, c’est celui de la taxe d’habitation et des dotations d’état. Les maires ont très vite senti le piège : en les privant de ressources, le gouvernement les met à sa botte, les oblige à assumer les réductions de dépenses et à en supporter l’impopularité. Le deuxième acte sera la réduction du nombre des élus locaux et les regroupements forcés des collectivités territoriales, sur lesquels le gouvernement pratique pour l’instant la loi du silence, procédant par allusions.

Pendant que les petites mains ministérielles s’affairent à assembler les pièces du patchwork présidentiel, le grand couturier crée dans la solitude de son atelier les modèles supposés nous habiller pour l’été et l’hiver prochain. Malheureusement, comme il arrive bien souvent, il faut posséder une « taille mannequin », c’est-à-dire mesurer plus d’un mètre soixante-quinze pour à peine un 34, ou faire partie des 10 % les plus riches, pour porter ce style de vêtements, étant donné le prix exorbitant qu’il faut débourser pour se les payer. Pour la majeure partie des Français, qui vont chanter tout l’été en s’efforçant d’oublier que la bise reviendra sans faute l’hiver prochain, un bon vêtement en prêt-à-porter, pourvu qu’il soit chaud et confortable, aurait tout aussi bien fait l’affaire, et leur aurait coûté moins cher. Mais il faut bien financer les rêves de gloire du Créateur.