Mégot

Dans la série, l’eau, ça mouille, et le feu, ça brûle, les médias en mal d’actualités pendant l’été se sont rabattus sur les « marronniers » traditionnels de la période estivale. Une fois épuisées les joies du Tour de France cycliste et du défilé du 14 juillet, place aux feux de forêt et aux incendies, grands pourvoyeurs d’images spectaculaires et de déclarations émouvantes des sinistrés. Comme pour chaque catastrophe naturelle, il se trouve toujours un ancien pour affirmer qu’il n’a jamais vu ça, en tout cas, pas à ce point.

Croyez bien que je ne raille pas les malheureux qui ont tout perdu en quelques heures, mais les journalistes en panne de copie qui relaient les évènements en faisant preuve d’un manque d’inspiration évident digne de la rubrique des chiens écrasés. À ce propos, on attend le traditionnel reportage sur les animaux abandonnés pendant les vacances. Quand on a la chance d’avoir affaire à un feu d’origine criminelle, c’est pain béni, car les pyromanes sont difficiles à identifier, sauf quand il s’agit de pompiers trop accaparés par leur passion pour prendre les plus élémentaires protections et qui se font prendre en flagrant délit. Dans le cas de l’incendie de Saint-Cannat, qui a détruit 800 hectares dans les Bouches-du-Rhône, le feu a débuté près d’une route et il n’a été retrouvé aucune trace incitant à penser à un incendie volontaire. Les conditions climatiques ne permettant pas non plus d’accréditer une cause accidentelle, les enquêteurs privilégient l’hypothèse d’un mégot mal éteint qui aurait été jeté par la portière par un automobiliste imprudent.

Et à partir de là, c’est le drame, comme on dit à FR3. Ce qui n’était qu’une déduction logique, mais totalement hypothétique, sans le moindre début de commencement de preuve, devient vérité d’évangile et certitude absolue. La presse reprend en gros titre le mégot maudit qui a causé tous nos malheurs. Pour un peu, on donnerait la marque de la cigarette. Si seulement on pouvait le retrouver, ce fichu mégot. Porterait-il des traces de rouge à lèvres comme dans les films policiers des années 50, indiquant ainsi qu’il avait été fumé par une personne du beau sexe, comme on disait à l’époque ? Ou bien pourrait-on retrouver son propriétaire grâce à l’analyse de l’ADN contenu dans la salive, comme dans la série télévisée des experts ? Malheureusement, nous n’en saurons jamais rien. Ou peut-être faut-il se contenter d’avoir désigné un coupable à la vindicte populaire, même s’il reste anonyme et indéfini. Il permet aux victimes de trouver un exutoire à leur colère, au lieu de maudire le ciel, ou pire encore, les pouvoirs publics.