Autopsie d’une démission

Si l’on s’en tient aux apparences, Emmanuel Macron est sorti vainqueur de la confrontation qui l’a opposé au chef d’état-major des armées, le général de Villiers, puisque celui-ci a démissionné de son poste après avoir été sévèrement recadré par le chef de l’état. Cette « victoire » est un trompe-l’œil, car le président sort considérablement affaibli de cette passe d’armes. Lui qui avait multiplié les symboles rappelant son rang de chef des armées depuis sa prise de fonction, recourant à des véhicules militaires aussi souvent que possible, a vu son autorité contestée et a été contraint de la rappeler, alors qu’elle devrait aller de soi.

Sur le fond de la question, le général de Villiers voulait éviter la baisse du budget de l’armée pour boucler l’exercice 2017. De son point de vue, qui n’est pas le mien, il fallait sanctuariser les crédits de la défense, puisque le projet du président était de porter ce budget à 2 % au cours du quinquennat. Il va sans dire que pour ma part je préfèrerais de beaucoup que ces centaines de millions dilapidés en armements coûteux et souvent inutiles soient utilisés à des tâches plus nobles à mon sens, telles que la culture, l’éducation, la santé ou que sais-je encore. Il n’en reste pas moins très peu logique de baisser des crédits dans le but de les remonter ensuite. Une contradiction qui n’a pas échappé aux Français et aux militaires, qui soutiennent le général démissionnaire.

Sur la forme ensuite, Emmanuel Macron s’est montré un piètre stratège, doublé d’un médiocre tacticien, ce qui, pour un chef des armées, est quand même préoccupant. Après avoir conforté le général de Villiers à son poste lors de son accession au pouvoir, alors qu’il était si simple de nommer un de ses partisans à sa place, il a réglé ses comptes avec lui par public interposé au lieu de l’affronter en tête-à-tête, lui donnant ainsi une importance excessive. Il lui suffisait de le rencontrer pour lui signifier sa décision et le limoger purement et simplement s’il ne voulait pas accepter ses conditions. Au lieu de quoi, il a laissé la situation pourrir et a offert au général de Villiers l’opportunité de se donner le beau rôle en le laissant démissionner parce qu’il « n’avait pas les moyens de défendre sa conception du rôle de l’armée ». À peu de choses près les termes employés par Jacques Chirac en quittant son poste de Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing pour préparer son accession à la présidence de la République. À cette occasion, Emmanuel Macron aura surtout démontré que sous des dehors conciliants il ne supportait pas la moindre contradiction et qu’il exerçait ses prérogatives sans presque aucune concertation hors de sa garde rapprochée. Ça promet !