Coupable, forcément coupable
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 13 juillet 2017 09:33
- Écrit par Claude Séné
La troisième victime de l’affaire du petit Grégory, vieille de près de 33 ans, aura donc été le juge chargé de l’instruction à l’origine, en 1984. Le « petit juge », comme on l’avait surnommé à l’époque en raison de son jeune âge, 32 ans, et de son inexpérience, car c’était sa première affaire. Et elle allait se révéler extrêmement complexe, au point qu’aujourd’hui encore l’enquête qui a été rouverte n’a pas révélé avec certitude le déroulement des faits. Après le premier décès, celui d’un enfant de 4 ans retrouvé pieds et poings liés dans la Vologne, c’est Bernard Laroche qui a été tué par son cousin, Jean-Marie Villemin, qui le croyait coupable de l’assassinat de son fils.
Dès cette époque, la responsabilité du juge Lambert a été engagée. C’est lui qui avait inculpé Laroche, sur la foi du témoignage de Murielle Bolle, sa belle-sœur, qui devait se rétracter ensuite, avant de le libérer, sans protection policière. Par la suite, il accusera Christine Villemin, la mère du petit Grégory, avant de devoir constater le vide du dossier qui aboutira à l’abandon de toutes charges contre elle. Le juge Simon, qui avait repris l’instruction à sa suite, fait état dans des carnets personnels, d’irrégularités et d’erreurs dans la procédure, qui ont conduit à un des fiascos les plus retentissants de notre justice récente. Il y a de fortes chances pour que ces erreurs aient été très pesantes sur le juge Lambert, et l’aient amené à se donner la mort, comme il en avait déjà évoqué la possibilité dans le passé.
Ce fait-divers rappelle la terrible responsabilité exercée par le juge d’instruction en France. Il a la lourde charge d’instruire les dossiers, à charge et à décharge, contrairement au système anglo-saxon, qui sépare les deux fonctions. Il a quasiment un pouvoir de vie ou de mort sur les justiciables qui passent entre ses mains, car le jugement social et médiatique se base très souvent sur ses conclusions. Et il est bien souvent plus terrible encore que le jugement judiciaire lors des procès. Ce qui conduit à s’interroger sur le recrutement de ces magistrats. Il me semble qu’ils devraient être systématiquement choisis parmi des magistrats déjà expérimentés ayant exercé à d’autres postes, ce qui les amènerait inévitablement à démarrer cette activité à un âge plus avancé. Confier d’aussi lourdes responsabilités à des personnes très jeunes, même bardées de diplômes, revient à les envoyer au casse-pipe, d’abord coupables, forcément coupables, en cas d’erreurs judiciaires, puis victimes, forcément victimes, à cause des remords et des regrets de ne pas avoir su ou pu gérer ces situations.