CQFD
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 8 octobre 2024 11:03
- Écrit par Claude Séné
Nous avons tous été bercés par la croyance en la pureté des raisonnements mathématiques, dans lesquels deux et deux font inexorablement quatre, et dont la sagesse populaire résume la force de conviction sous la forme, séduisante, d’un axiome : « les chiffres ne mentent pas », en oubliant au passage un corollaire, qui dirait : « les hommes, eux, ne se gênent pas pour les manipuler ». Le raisonnement classique consiste généralement à définir par avance une proposition, puis à développer des aspects allant dans le sens souhaité, afin de « prouver » sa justesse en ponctuant la fin de la démarche, d’un « Ce Qu’il Fallait Démontrer ». On part donc de la conclusion, ce qui introduit un risque de biais expérimental, mais que l’on fait passer pour de l’objectivité.
Des éléments de mesures fiscales permettant de boucler le budget de la France en 2025 ont commencé à filtrer dans la presse depuis quelques jours. Parmi celles-ci, le report envisagé de l’augmentation des pensions du 1er janvier au 1er juillet pour tenir compte de l’inflation. Il a fallu sortir en toute hâte des études pour démontrer que ce ne serait que justice fiscale, puisque le prétexte le plus commode serait le niveau de vie des seniors, supposé supérieur à celui des actifs. Une affirmation totalement contre-intuitive, puisque les retraités ne perçoivent en général qu’une fraction de leur salaire en activité, ce qui explique que ceux qui le peuvent décalent souvent leur départ à la retraite pour amortir la baisse de leurs revenus, et que d’autres cumulent par force pension et activité à temps partiel. Selon l’étude qui a été confiée à Asterès, un cabinet de conseil dirigé par un économiste libéral pur jus, Nicolas Bouzou, les retraités seraient donc plus riches que les actifs, mais ce n’est pas facile à prouver.
Si l’on prend le « revenu disponible », c’est-à-dire la somme nette après impôt, qui joue déjà un rôle redistributif non négligeable, le revenu moyen des retraités est inférieur à celui des actifs de près de 20 %. Qu’à cela ne tienne. Le cabinet Asterès introduit la notion de « niveau de vie » qui figure dans le rapport du Conseil d’orientation des retraites. C’est déjà mieux. Avec 2188 euros par mois en moyenne pour les retraités, contre 2489 euros pour les actifs, l’écart n’est plus que de 12 %. Encore un effort, camarade Bouzou ! Les pelés, les galeux de retraités se prélassent dans leur pavillon de banlieue, sans avoir à payer de loyer. Il suffit de rajouter la valeur locative de leur logement à leur retraite pour faire remonter la moyenne, et le tour est joué*. Et peu importe que deux millions de personnes de 60 ans et plus vivent en 2024 sous le seuil de pauvreté, comme le constate l’association des Petits frères des pauvres. CQFD, vous dis-je.
*tout fout le camp ! j’apprends à l’instant que les chiffres d’Asterès sont périmés et que la courbe se serait inversée depuis…à qui se fier ?