L’héritage

Tout à la joie de partager les hauts faits de nos athlètes français qui se sont illustrés pendant ces Jeux olympiques, nous n’avons pas relevé plus que ça le retour express d’un de ceux qui ont marqué le plus la compétition en ramenant deux médailles d’or, l’une individuelle et l’autre par équipe, Teddy Riner. Immédiatement après la cérémonie de clôture, il a tenu à faire un aller-retour dans son île de naissance, la Guadeloupe, où il a reçu un accueil très chaleureux. Personne, à ma connaissance, n’a commenté le fait qu’il lui ait rendu hommage en se drapant dans un étendard aux couleurs de son territoire, qui est aussi celui d’un parti indépendantiste.

J’ignore totalement si le judoka français milite pour l’indépendance de la Guadeloupe, ce qui serait son droit le plus strict, bien que je ne l’aie jamais entendu faire aucune déclaration publique dans ce sens. D’un autre côté, quand Teddy parle, la plupart des gens tombent d’accord avec lui, et s’abstiennent de le contrarier. Cette remarque vaut surtout sur le fait que le passé colonial de la France dans les Caraïbes, et dans ses zones traditionnelles d’influence, est encore actif. Je ne peux pas m’empêcher d’observer que malgré la parenthèse olympique, la situation en Nouvelle-Calédonie reste très problématique comme en témoigne ce nouvel affrontement entre les forces de l’ordre et une partie de la population toujours remontée contre la révision des listes électorales, qui s’est soldée par un onzième mort. Et l’on ne voit pas le bout du tunnel avec un texte qui semble devenu caduc après la dissolution et une décision impossible à la fois dans une Assemblée nationale sans majorité, et un gouvernement qui n’a plus de légitimité en attendant un nouvel exécutif.

Au-delà de ces circonstances conjoncturelles, il fallait bien célébrer le 80e anniversaire de l’autre débarquement, celui de Provence, le parent pauvre de la mémoire nationale accaparée par le jour J du 6 juin, malgré l’importance historique et stratégique du 15 août qui a aussi beaucoup contribué à la victoire finale. C’était l’occasion d’évoquer le rôle décisif des troupes « indigènes » selon le terme du film qui leur a été consacré avec beaucoup de retard. Je suis peut-être (sûrement ?) de parti-pris, mais j’ai trouvé le discours présidentiel surjoué et peu sincère. Peut-être parce que la France a encore beaucoup de mal avec son héritage colonial dont elle est embarrassée après l’avoir trouvé longtemps tout naturel. Depuis quelques années, les chefs d’État des pays formant anciennement « l’empire » sont peu nombreux à répondre aux invitations lancées. Cette année, il n’y avait aucun représentant de l’Algérie présent, du fait du soutien du président Macron au Royaume du Maroc vis-à-vis de la question du Sahara occidental, revendiqué par les deux pays. On ne peut pas effacer le passé, mais il serait temps de dépasser les conflits dont nous avons hérité, ne serait-ce qu’en les reconnaissant.