Camarade Poutine

C’est un joli nom, camarade, chantait Jean Ferrat, avant de préciser que c’était aussi un nom terrible quand les chars soviétiques écrasaient le Printemps de Prague initié par Alexandre Dubcek en 1968. L’URSS n’est plus, mais Wladimir Poutine a bâti son empire en s’appuyant sur le nationalisme russe et en flattant les nostalgiques de la Russie éternelle, à la façon d’un Donald Trump qui promet de rendre à l’Amérique sa grandeur passée. Le locataire du Kremlin est parvenu à ses fins en écrasant Alep sous les bombes pour assurer une victoire militaire au dictateur Bachar El-Assad.

Et qu’importe le prix à payer et le martyre de toute une population civile prise au piège d’une guerre idéologique pour maintenir coûte que coûte un régime agonisant. À rebours de la guerre civile espagnole, en lieu et place des brigades internationales venues prêter main-forte au camp républicain, en vain, malheureusement, ce sont des hordes de mercenaires étrangers qui font le sale boulot pour le tyran. On y trouve pêle-mêle, outre les « conseillers » russes naturellement, des Gardiens de la révolution iraniens ou leurs homologues libanais du Hezbollah, mais aussi des Irakiens, des Pakistanais ou des Afghans. Toutes ces milices n’ont qu’un point commun, la religion, ce sont des chiites, opposés aux rebelles sunnites.

Devant l’inertie de la communauté internationale, le camarade Poutine a beau jeu de maintenir artificiellement sous perfusion un régime exsangue, se permettant même de faire la leçon aux États-Unis devant l’Assemblée générale de l’ONU, certain de son impunité, comme si les abus de l’impérialisme américain pouvaient justifier en quoi que ce soit ses propres crimes. Cette victoire écrasante, au sens strict du terme, à Alep, ne doit pas masquer une réalité qui est que le régime n’a pas les moyens de contrôler l’ensemble du territoire, même s’il règne sur les zones les plus peuplées, comme en témoigne la reprise de Palmyre par Daech. Contrairement à ce qu’affirmait Jean-Luc Mélenchon en février 2016, Poutine ne va pas « régler le problème » en Syrie. Il va préserver les intérêts de la Russie dans la région, mais il laisse un champ de ruines et ne fait que reculer une solution diplomatique au conflit, en ajoutant un bourbier supplémentaire dans un Moyen-Orient déjà saturé de situations inextricables, que ce soit en Palestine, en Irak, au Yémen ou au Liban. Sans croire à une justice immanente, qu’elle soit d’origine divine ou humaine, je veux penser que ces crimes ne resteront pas impunis, et qu’un jour, comme ce fut le cas en Yougoslavie, les responsables seront traduits devant une instance internationale pour y répondre de leurs actes.