Circulez, il n’y a rien à voir

L’association 40 millions d’automobilistes vient de publier un livre noir de l’état des routes en France, dans lequel sont recensés les 3 points les plus problématiques de chaque département, et qui présente un dossier très complet sur la dégradation continue du réseau routier français. Chacun connait dans son environnement immédiat des routes peu ou mal entretenues, certaines présentent des trous, les fameux nids-de-poule, d’autres sont tellement rafistolées par tous les bouts que l’on croirait à un patchwork. Des réparations qui ne tiennent pas dès que les conditions climatiques de froid ou de chaleur sortent de l’ordinaire.

Ce constat accablant devrait inciter les pouvoirs publics à réagir, pour deux raisons. La première, de santé publique. L’état se préoccupe de faire diminuer les accidents de la route et son levier presque exclusif est la lutte contre la vitesse. La deuxième est économique. Les experts considèrent qu’un euro de moins, investi aujourd’hui dans l’amélioration du réseau routier, aboutira à une dépense de 10 euros demain. L’état est le premier concerné, car il gère directement le parc des routes nationales et les autoroutes non concédées à des établissements privés, et c’est lui qui alloue les dotations aux collectivités locales, des crédits en baisse régulière, année après année. Rien d’étonnant donc à ce que le réseau routier français, qui était en tête du palmarès européen en 2008, soit descendu dans les profondeurs du classement.

Les réactions des autorités sont tout simplement hallucinantes. J’ai entendu un officiel affirmer sans rire que les routes dégradées présentaient l’avantage d’inciter les automobilistes à lever le pied et donc à diminuer le risque d’accident ! Et un autre d’affirmer que les causes d’accident restaient liées à la vitesse et aux substances toxiques que pouvaient prendre les conducteurs. Comme si ce postulat devait empêcher l’état d’assumer ses responsabilités et de consacrer le budget nécessaire à l’entretien et l’amélioration des infrastructures routières. Oui, mais, c’est que ça coûte, tout ça. Tandis que poser un radar au bord de la route, ça peut rapporter gros. Et tant pis si l’on n’est pas certain de la fiabilité de ces machines de plus en plus nombreuses. C’est ainsi qu’un automobiliste a été flashé à 229 km/h sur une route départementale limitée à 90, à bord de sa… Kangoo ! Le conducteur ne conteste pas les faits, c’est bien sa voiture, il se reconnait sur la photo et il est bien passé à cet endroit à l’heure indiquée sur le PV. Les gendarmes ont quand même examiné la voiture pour vérifier qu’elle n’avait pas été trafiquée. Pour cette fois, l’état renoncera à ses 135 euros qui lui permettent de racheter des radars de plus en plus nombreux au lieu de réparer les routes.