Le chat noir

Le sport en général, et le football en particulier, est un milieu où règne la superstition. On se souvient qu’il y a peu, un joueur de l’équipe de France était accusé d’avoir fait appel à un marabout pour jeter un sort à l’un de ses coéquipiers qui lui volait la vedette. C’est donc par crainte de porter malheur à son équipe que le président argentin, Alberto Fernandez, avait décidé de ne pas faire le déplacement au Qatar pour la finale de la coupe du monde contre la France. Une précaution que le président français a négligée, à tort, semble-t-il, puisque l’équipe a perdu le match à la loterie redoutable des tirs au but.

Emmanuel Macron n’a pas pu résister à la tentation de récupérer une victoire éventuelle pour se parer des plumes du paon et s’attribuer une partie du mérite qui revient aux joueurs. Il espérait bénéficier ainsi d’un effet « coupe du monde » comme en 1998. Lors de la compétition organisée en France, Jacques Chirac, qui n’y connaissait pourtant à peu près rien, avait gagné 18 points d’opinions favorables dans les sondages. Un état de grâce dont Emmanuel Macron n’a pas profité en 2018, où sa cote a baissé malgré la victoire en finale contre la Croatie. De mauvais esprits ont cependant suggéré que le retard de l’annonce de l’âge de départ à la retraite n’était pas sans rapport avec l’espoir d’une vague d’optimisme liée à un nouveau titre mondial. Et même si cet évènement n’avait aucun impact sur le moral des Français, c’est plus fort que lui, il faut qu’il se mette en avant et qu’il se fasse mousser. À part chausser les crampons et rentrer sur le terrain pour marquer le but victorieux, il aura tout essayé. On l’a vu tenter de consoler M’Bappé à l’issue du match et s’adresser aux joueurs dans les vestiaires comme s’il était leur nouveau sélectionneur, tout en utilisant son statut de président, au lieu de donner l’exemple de la dignité et de la discrétion.

C’est Emmanuel Macron qui avait déclaré peu avant la compétition qu’il ne fallait pas politiser le sport. Il aura fait tout l’inverse. Au lieu de dénoncer les conditions de vie des travailleurs étrangers, il aura glorifié le pays organisateur, justifiant ainsi indirectement les discriminations et la politique du Qatar à l’égard des femmes et des minorités dans le pays. Il aurait au minimum pu s’en abstenir, lui qui se targue de « parler franchement » et de dire leur fait aux autres pays, y compris les États-Unis quand ils font preuve de protectionnisme. Avec des résultats aussi peu convaincants que ses discours volontaristes sur le football. On se demande parfois qui est le chat noir quand son équipe perd. Cette fois-ci, on sait.