Embrassons-nous, Folleville
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 20 décembre 2022 11:06
- Écrit par Claude Séné
La 15e conférence des parties sur la biodiversité qui se tenait à Montréal sous la présidence de la Chine s’est achevée, avec un léger retard, sur un succès. En effet, les 190 états sont tombés d’accord pour établir un calendrier permettant de protéger les ressources naturelles et leur diversité, avec un engagement financier pour les prochaines années à hauteur de 30 milliards de dollars pour aider les pays en voie de développement. Comme celui de 2015 à Paris, arraché aux forceps, il s’agit d’un accord historique sur le plan des intentions. Reste à savoir s’il sera suivi de plus d’effets que les précédents, la plupart étant restés lettres mortes.
Ces grands-messes annuelles ou bisannuelles me font penser à la comédie vaudeville d’Eugène Labiche, dans laquelle le Marquis de Manicamp veut à toute force marier sa fille au Chevalier de Folleville, qu’il accable de ses démonstrations d’amitié, alors qu’aucun des deux tourtereaux ne veut de cette union. Comme le Marquis, les acteurs de ces pantomimes sont probablement sincères dans la défense et l’illustration de la planète. Malheureusement, aucun des engagements apparemment généreux n’est assorti de la moindre contrainte. L’objectif à l’horizon 2030 porte sur 30 % seulement de la surface de la Terre, et rien ne prouve qu’il pourra être atteint. Ce sera déjà très difficile à obtenir. La République démocratique du Congo a d’ailleurs pris la tête d’un mouvement visant à obtenir un budget sensiblement plus conséquent, mais s’est heurtée aux méthodes expéditives de la présidence chinoise, dénoncées par le Cameroun, notamment. Pour beaucoup de pays participants, l’effet recherché est avant tout un affichage de leur bonne volonté.
Les associations écologistes et les Organisations non gouvernementales qui ont tenté de faire pression sur les états pour leur faire adopter des positions plus volontaristes, tout en saluant les quelques progrès de cette conférence, regrettent pour la plupart la timidité des engagements, et leur caractère non contraignant. Le WWF France estime que cet accord « ne casse pas la baraque ». La Ligue de protection des oiseaux qualifie les discussions de « chaotiques ». « Rien n’est réglé. » Greenpeace regrette un financement insuffisant et des objectifs trop peu ambitieux. Finalement, ce sont les pays les plus tièdes, comme la France, qui semblent se satisfaire le plus d’un accord a minima, conciliant une apparente volonté d’avancer sans trop s’engager à un moment où les questions économiques sur le front de l’énergie prennent le pas sur les considérations écologiques, qui n’ont jamais été la priorité du président Macron. Le gouvernement fera le minimum syndical pour ne pas être accusé de torpiller cet accord, et pour le reste se rangera derrière l’Union européenne, dont la présidente, Ursula Von der Leyen, se satisfait de ces déclarations de principes. Et la prochaine fois, nous répèterons à l’envi : « embrassons-nous, Folleville ! »