Le feu au lac
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 16 juin 2022 11:07
- Écrit par Claude Séné
On ne l’évoque généralement que pour souligner son omission. On dit ainsi qu’il n’y a pas le feu au lac comme l’expression d’une absence d’urgence, attribuée à nos voisins suisses, connus pour leur calme, leur placidité imperturbable. Ainsi se voulait également la Macronie, qui affectait de considérer les élections législatives comme une simple formalité. De même que le président sortant n’avait pas jugé utile de faire campagne pour sa réélection, il n’était nul besoin de se fatiguer à convaincre les Français d’aller voter pour une majorité par avance acquise à la cause.
Et puis les résultats du premier tour sont tombés et la majorité absolue pour le parti présidentiel à lui tout seul, comme en 2017, n’est plus qu’un rêve inaccessible. Il faudra l’appoint des alliés Modem et ceux d’Horizon pour obtenir les 289 voix fatidiques, et ce n’est même pas acquis. Les sondages de l’entre-deux tours indiquent une confirmation de la poussée de la NUPES et du Rassemblement national, qui pourrait obliger le gouvernement à s’entendre au coup par coup avec les Républicains, qui feront payer cher leur soutien. D’où le tout nouveau branle-bas de combat et la panique à bord, du navire amiral jusqu’à la moindre barcasse. Le pouvoir fait feu de tout bois, n’hésitant pas à caricaturer les positions de ses adversaires et presque à prédire l’invasion de Paris par les chars russes comme au bon vieux temps du gaullisme. Aujourd’hui, l’épouvantail s’appelle l’extrême gauche, comprenez tout ce qui se trouve à gauche d’Élisabeth Borne, qui est elle-même au centre de l’échiquier politique dans ce ventre mou d’un marais conservateur.
Mais c’est le président lui-même qui est monté au créneau et qui a poussé le bouchon très loin en décrétant que ceux qui ne voteraient pas en sa faveur n’étaient plus des républicains. Il fallait l’oser, celle-là, d’exclure les quelques 70 % des Français qui ont choisi d’autres candidats, en les excommuniant par avance. Et il abjure ses engagements de ne pas aborder la politique intérieure quand il est à l’étranger, d’abord sur le tarmac d’Orly, en partance pour la Roumanie et la Moldavie, où il confirme ses propos, et enfin par cette visite à Kiev avec ses homologues, Olaf Scholz et Mario Draghi. Macron a tellement tergiversé que sa fenêtre de tir en tant que président tournant de l’Europe, l’a amené à choisir une date entre les deux tours des législatives en France. Coïncidence ? Il est permis d’en douter. Emmanuel Macron, pour justifier son retard à se rendre à Kiev, a indiqué depuis longtemps qu’il irait en Ukraine et rencontrerait le Président Zelinski, « en temps utile ». Il a manifestement jugé que le moment où il peut peser sur le résultat des élections en France et espérer un résultat au prix du sacrifice de la séparation des pouvoirs était le plus « utile », au moins pour lui.