Vous avez quatre heures
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 17 juin 2022 11:06
- Écrit par Claude Séné
C’est la phrase fatidique après l’énoncé des sujets de l’épreuve de philosophie au baccalauréat général et technologique que les candidats ont dû affronter mercredi sous des températures caniculaires. Soyons clairs. Si j’avais été contraint de repasser le bac, comme ça, tout à trac, je n’aurais certainement pas obtenu la moyenne générale requise pour être admis. Trop de connaissances non mémorisées, un manque de pratique des processus mentaux requis dans de nombreuses matières, auraient été un obstacle infranchissable pour décrocher ce que les journaux continuent d’appeler « le précieux sésame ».
Dans cet océan de difficultés, il n’y a guère que la philo où j’ai l’impression, sans doute trompeuse, de pouvoir tirer mon épingle du jeu. L’enseignement de la philosophie à des élèves très jeunes est une gageure. Certains profs font une sorte de catalogue des théories philosophiques en les présentant les unes après les autres, en émaillant leur enseignement de formules exemplaires destinées à être digérées puis reprises par les élèves. D’autres tentent d’éveiller l’esprit critique et d’amener leurs disciples à penser par eux-mêmes en se posant les bonnes questions et en essayant d’y répondre. Vous devinez que je préfère, et de loin, la deuxième méthode, pour les avoir expérimentées toutes les deux dans ma carrière de lycéen. Ce que les candidats ne possèdent pas, c’est évidemment l’expérience de la vie qui ne s’acquiert que progressivement et donne l’impression de mieux comprendre, sans pouvoir pour autant infléchir le cours des choses.
La première difficulté dans l’épreuve c’est de faire un choix entre les deux sujets généraux dans un délai très court. Certains se réfugient dans la troisième voie, l’explication d’un texte philosophique, considérée comme moins risquée. Dans les sujets 2022, j’aurai opté à coup sûr pour celui-ci : « Revient-il à l’État de décider de ce qui est juste ? », car il correspond à des préoccupations encore actuelles pour moi tout en pouvant intéresser des personnes plus jeunes, généralement sensibles à la notion de justice. Après ce choix initial, il s’agirait de définir un plan pour organiser les idées évoquées par ce thème, ordonner les représentations mentales et les réflexions qui surgissent spontanément pour en faire un argumentaire réfléchi et cohérent. Comme souvent, il faudrait s’entendre sur les mots, de quel État parlons-nous ? Et en quoi consiste la justice ? La tentation est grande de répondre à la question en utilisant le schéma classique de « thèse, antithèse, synthèse », ce qu’un de mes profs appelait le coup des deux chandeliers encadrant un vase sur la cheminée, mais il vaut mieux y résister. Même si l’on ne peut pas faire l’impasse sur le rôle régalien de l’état dans les institutions, c’est la notion de justice sociale que je privilégierais. Et plus que citer de grands auteurs, je ferais appel aux situations de la vie quotidienne et aux luttes nécessaires pour le progrès, mais cela ne vous étonnera pas.
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