Le crime ne paie pas
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 11 mai 2019 10:31
- Écrit par Claude Séné
Et la France non plus. C’est la doctrine officielle et vous ne trouverez pas un homme ou une femme politique qui vous avouera que la règle a pu ou pourrait souffrir la moindre exception. L’inconvénient de cette position, c’est évidemment de fermer la porte à toute autre solution et de ne laisser ouverte que la voie de l’intervention musclée, avec tous les risques que cela comporte. C’est ce qui s’est vérifié dans l’opération commando menée hier au Burkina Faso. Certes, les otages français ont été libérés sains et saufs ainsi que deux autres personnes, mais au prix de la vie de deux soldats.
Il n’est pas question de se livrer ici à quelque comptabilité macabre que ce soit, mais le bilan chiffré de l’intervention ne plaide pas en faveur de la position française. L’argument classique qui interdit aux autorités d’admettre l’éventualité du paiement d’une rançon consiste à éviter la multiplication des enlèvements, d’encourager ou de récompenser le crime en quelque sorte. Cette sorte de « dissuasion » n’a jamais fait la preuve de son efficacité. Les groupes armés susceptibles de se livrer à ce genre de racket savent pertinemment que certaines libérations d’otages ont donné lieu à des tractations évidemment secrètes, parfois par l’intermédiaire de pays tiers, et leur détermination est renforcée par le trafic qui existe bel et bien entre bandes concurrentes, qui se revendent les otages entre elles. La méthode forte, qui n’est pas sans risque, à la fois pour les otages et les soldats qui tentent de les libérer, nécessite des circonstances favorables et des renseignements précis, ce qui n’a pas été totalement le cas hier. Le courage des militaires n’est pas ici en cause, pas plus que celui du colonel Beltrame dans l’affaire de Trèbes, mais plutôt dans la stratégie et le commandement.
Dans le concert de louanges adressées à l’armée française pour son dévouement et son abnégation, une voix discordante s’est fait entendre, celle du fils de la dernière otage encore détenue quelque part au Sahel, et qui supplie les autorités de ne pas donner d’assaut, et de tout tenter pour reprendre des négociations afin de sauver sa mère, Sophie Pétronin, enlevée au Mali depuis décembre 2016. Selon certaines informations, des pourparlers ont eu lieu jusqu’à un stade avancé, mais ont échoué parce que les négociateurs français privilégiaient toujours l’option militaire. Le président de la République, qui a pris la difficile décision de donner le feu vert à l’intervention armée, peut bien rendre un hommage au nom de la nation aux deux militaires tués pendant l’opération. Il leur doit une fière chandelle. Qu’aurait-on dit si les otages y avaient laissé leur vie, comme ce fut le cas en 2011 au Niger, dans des circonstances analogues ?