« Chez ma tante »

Je ne vous emmène pas faire une visite dans ma famille, mais plutôt dans une institution existante sous cette appellation en France depuis 1657, appelée aussi mont-de-piété, et dont le principe de prêt sur gages se retrouve dès le XVe siècle. Elle devrait son nom à une traduction italienne « monte di piéta » soit crédit de pitié qui correspond mieux à son utilisation !

Quant à son surnom de « ma tante », on rapporte que joueur invétéré Ferdinand François Philippe d’Orléans, pour payer une dette de jeu, y a déposé sa montre pour obtenir quelques finances, il aurait déclaré à sa mère qui s’étonnait de l’absence de cet objet, « je l’ai laissée chez ma tante ».

C’est un organisme que l’on rencontre dans tous les pays d’Europe et même au-delà, en Angleterre il s’appelle uncle’s, en Espagne el monte de piedad, au Brésil O preg signifiant « le clou », autre appellation du système.

À l’origine, les monts-de-piété furent créés pour lutter contre l’usure individuelle, ou bancaire, spécialement des banques juives. C’était une façon de lutter contre le paupérisme, car leur clientèle était faite des travailleurs pauvres, artisans, petits commerçants, etc.

 Avec l’avènement du capitalisme, augmentant la prolétarisation, la compression des salaires, la précarisation du travail, les monts-de-piété offrent une réponse économique aux risques sociaux et deviennent des acteurs locaux de l’action sociale. Le client s’offre une protection financière en évitant l’indigence, c’est son dernier recours pour répondre à des difficultés passagères, évitant aussi des moyens inavouables pour se procurer de l’argent.

Devenu crédit municipal en 1918, le mont-de-piété devient un établissement public et solidaire de crédits et dettes sociales, géré au niveau de la ville, assujetti aux règles bancaires, il est supervisé par l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui agrée leurs responsables. Reconnu établissement bancaire depuis 1984, tout en continuant les prêts sur gages, le crédit municipal, qui a créé 50 agences en France, fait aussi l’accompagnement des dossiers de surendettement, des exclus bancaires, et accordait jusqu’en 2015 des prêts personnels, des prêts aux fonctionnaires, des prêts hypothécaires.

Au crédit municipal on prête sur gage de 30 € à 1 million d’euros, la moyenne étant de 1000 €, le montant du prêt est de 60 % de la valeur de l’objet, le taux d’intérêt est de 4 à 9 %, quand les prêts revolving sont à 20 % ! la durée du prêt est illimitée si le client paie les frais de garde. La durée moyenne est de six mois, 90 % des clients récupèrent leur objet. Tout objet non récupéré faute de paiement des intérêts est vendu aux enchères (80 ventes par an à Paris) si le produit des ventes donne un boni, il est destiné à financer des actions culturelles et sociales.

Véritable baromètre de la situation économique et sociale, entre 2008 et 2017, son encours de prêts a presque triplé passant de 74 millions à 207 millions ! Pour son centenaire, le crédit municipal de Paris a annulé la dette inférieure à 100 € de 1700 clients, je vous laisse imaginer la situation financière de ces personnes qui les a conduites à avoir besoin d’un prêt aussi minime, mais aussi leur joie pour ce cadeau inespéré !!!

L’invitée du dimanche

Commentaires  

#2 Lalou 20-01-2019 12:43
Je ne suis pas sûre de "spécialement les banques juives"...
Citer
#1 Claude 20-01-2019 10:44
Cette vénérable (et très utile) institution évoque aussi pour moi une chanson "à ripouner", à répondre, comme le disent nos amis vendéens: le jardin de ma tante, dont la ribambelle de couplets qui s'allonge indéfiniment se termine invariablement par l'antienne:"tout ça, grâce à ma tante!" Merci pour tout, tantine.
Citer