Petit-fils d’ouvrier
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 2 juillet 2018 11:21
- Écrit par Claude Séné
La victoire d’Andres Manuel Lopez Obrador dès le premier tour de l’élection présidentielle mexicaine avec 53 % des voix, ne souffre d’aucune contestation. Le candidat de la gauche, dont le nom signifie littéralement « atelier », symbolise l’accession au pouvoir du mouvement ouvrier. J’ai aussitôt pensé à une scène culte du film de Pierre Tchernia, « La gueule de l’autre », où Michel Serrault tente de se sortir d’une passe difficile en entonnant un couplet bien rodé : « fils d’ouvrier, petit-fils d’ouvrier, ouvrier moi-mêêêême ! », comme si l’appartenance à la classe ouvrière pourvoyait à tout.
Je dois à la vérité de dire que AMLO, comme on le surnomme au Mexique, est un fils de marchands, et que j’ignore la profession de son grand-père, immigré espagnol. Il a cependant mis en œuvre des mesures sociales en faveur des retraités, qualifiées de « populistes » par ses adversaires, quand il dirigeait la ville de Mexico. La troisième candidature aura été la bonne, alors que l’élection de 2006 s’était jouée dans un mouchoir, avec des soupçons de fraude, et qu’il avait été battu en 2012. Cette fois, l’opinion publique, lassée de la corruption endémique, de la violence et de la pauvreté persistante, a désavoué les deux partis qui se partagent le pouvoir depuis toujours. Lopez Obrador a donc une chance historique de mettre en œuvre son programme « nationaliste de gauche », plébiscité par les électeurs. Cet ancrage à gauche suffit à le distinguer définitivement et à le préserver de toute récupération opportuniste des partisans de Macron en France, ou de Trudeau au Canada.
La tâche qui attend le nouveau président est cependant immense. Il doit à la fois relever le pays, rétablir une autorité républicaine vis-à-vis du crime organisé et les cartels, faire le ménage dans les institutions et notamment la police et lutter contre la corruption. Les récentes affaires, comme celle des 43 étudiants disparus alors qu’ils étaient détenus par la police municipale, ou encore les zones d’ombre dans la condamnation de la Française Florence Cassez, sans parler des 28 000 meurtres recensés pour la seule année 2017, donnent la mesure du défi qui l’attend. Pour ne rien arranger, il va devoir résister à son encombrant voisin, Donald Trump, qui proclame toujours que le Mexique devra payer pour la construction du mur de la honte, et s’apprête à imposer des barrières douanières exorbitantes à ses « partenaires » de l’ALENA, les Mexicains et les Canadiens. Souhaitons-lui bonne chance, mais surtout beaucoup de détermination pour appliquer le programme sur lequel il a été élu. Il bénéficie déjà d’un préjugé favorable, à lui de le confirmer.
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