L’art (difficile) de la godille
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 3 août 2023 10:48
- Écrit par Claude Séné
Autant vous le dire tout de suite, bien que Breton, je n’ai jamais vraiment maitrisé ce moyen de locomotion dont la plupart des marins font un usage qui suscite mon admiration : la godille. Vous savez, l’exercice consiste à propulser le canot (prononcez canotte, SVP !) à l’aide d’une rame placée à l’arrière, à laquelle il s’agit de faire exécuter une série de huit, tout en restant fermement tanqué sur ses deux jambes et en continuant à imprimer une direction, un cap, à son embarcation. Le mouvement, ferme et rapide, donne l’impression d’une succession de changements, tantôt à droite tantôt à gauche, permettant d’aller droit devant, sans dévier de sa trajectoire.
C’est toute l’ambition du président de la République depuis que les Français l’ont porté à ce poste puis lui ont renouvelé son mandat, un peu par défaut, faut-il le rappeler, car il n’a pas bénéficié cette fois-ci d’une majorité de députés acquis à sa cause, comme par le passé. Des parlementaires rappelant l’époque du Gaullisme, qui votaient comme un seul homme les textes voulus par le président. On les appelait alors « les godillots », terme abandonné au profit de celui de « playmobils », pas plus flatteur. Pendant le premier quinquennat, le matelot Macron a donné de grands coups à droite, et quelques petits coups à gauche. Le résultat ne s’est pas fait attendre, le canot France a dérivé inexorablement vers un tribord affichant de plus en plus la couleur. Ne voulant pas changer une équipe qui perd, le Président a annoncé la stratégie à venir : il va continuer à godiller en tentant de réunir ponctuellement des majorités de circonstances, quitte à sortir le bazooka du 49.3 aussi souvent que la Constitution le lui permettra.
Il table donc sur la division de l’opposition, dont il espère qu’elle ne se mettra pas d’accord sur une censure du Gouvernement, l’obligeant à convoquer de nouvelles élections législatives. C’est pourquoi il multiplie d’ores et déjà les appels du pied à la droite dite républicaine en lui promettant des mesures de fermeté et une loi sur l’immigration conforme à leurs désirs. Il ne s’est pas prononcé sur la suppression des Allocations familiales aux parents des « émeutiers », comme il aime à les appeler, mais il mélange allègrement immigrés et casseurs, tout en indiquant que les deux sujets ne sont pas superposés. Le grand bazar, comme d’habitude. Et surtout, il insiste sur le fait que ce sont aux immigrés de « s’intégrer », bon gré mal gré, même s’il faut manier tantôt le bâton, tantôt la carotte pour cela, là où la plus simple humanité commanderait d’abord de les accueillir décemment. Les immigrés de dernière génération viennent surtout grossir les rangs de ceux qui subissent déjà la précarité, l’exclusion, le chômage ou la misère. Plus de répression aveugle ne fera qu’aggraver une situation déjà inhumaine.