Tintin au Congo
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 1 mars 2023 11:15
- Écrit par Claude Séné
Même si la ressemblance physique ne saute pas aux yeux entre le président de la République française et le personnage inventé par Hergé, les deux figures ont toujours été rapprochées dans mon esprit. Cette espèce de complexe de supériorité candide affichée par Tintin me parait exacerbée dans les positions d’Emmanuel Macron, sûr de son bon droit et de sa supériorité intellectuelle sur tous ses interlocuteurs. La tentation était donc irrésistible d’évoquer la bande dessinée à l’occasion de la visite diplomatique de la France au Gabon, en Angola, au Congo-Brazzaville et en République démocratique du Congo.
Si Tintin avait débarqué en terrain conquis dans le Congo des années 30, propriété personnelle du roi des Belges à l’époque, ce temps est largement révolu à présent et les positions de la France sont nettement battues en brèche dans de nombreux pays. Dernièrement encore, Emmanuel Macron a subi des revers diplomatiques et militaires sans précédent qui l’ont conduit à devoir rapatrier les troupes françaises devenues persona non grata au Mali ou au Burkina Faso. Ces retraits signent le déclin de la présence française, et la fin de ce que l’on a pu appeler la Françafrique quand les nominations de chefs d’État en Afrique francophone de décidaient au Quai d’Orsay ou au palais de l’Élysée. C’est en jouant sur ce passé colonial que la Russie a réussi à saper l’influence française et à remplacer la France à la fois militairement, grâce à la présence des mercenaires de Wagner, et politiquement par une aide financière concrète. Si Tintin au Congo est le deuxième album de la série d’Hergé, le premier n’était autre que Tintin au pays des Soviets. La réalité dépasse la fiction. Les pays africains ont troqué une colonisation pour une autre, qui ne vaut pas mieux.
D’autant que les Russes ne sont, ni les premiers, ni les seuls à vouloir prendre pied sur le continent africain. Les Chinois se sont implantés économiquement, patiemment et systématiquement, pour contrôler à leur profit les immenses richesses naturelles de l’Afrique, en échange d’un soutien au développement. La conséquence de ces luttes d’influence, c’est que les équilibres géostratégiques se sont modifiés et que le déplacement d’un Emmanuel Macron en Afrique a des allures de combat d’arrière-garde dans une guerre déjà perdue. Les enjeux ne passent plus par Paris, qu’on le regrette ou qu’on s’en réjouisse. L’affrontement d’aujourd’hui se déroule en Ukraine, entre les États-Unis et leurs alliés, et la Russie qui croit toujours en son destin impérial. Les pays dits du « Sud global », notamment africains, préfèrent ne pas s’en mêler pour ménager la Russie, et parce qu’ils considèrent que ce conflit n’est pas le leur. Quant à Tintin, il serait bon de se rappeler qu’un album ultérieur porte le titre évocateur de lotus bleu et se déroule au pays de l’empire du Milieu, préfiguration de l’affrontement possible des deux plus grandes puissances économiques du moment.