Les partageux
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 25 février 2023 11:15
- Écrit par Claude Séné
Les automobilistes interviewés à la pompe sur le « geste » pris en leur faveur par le groupe Total pour plafonner le prix du litre de carburant sous la barre des 2 euros ne vont évidemment pas s’en plaindre. La plupart sont cependant conscients qu’il s’agit là essentiellement d’une opération de marketing, destinée à redorer l’image du groupe qui a réalisé des profits que beaucoup jugent indécents quand trop de Français, et pas qu’eux, tirent le diable par la queue pour faire face à une inflation à deux chiffres sur les produits de première nécessité.
Le président de la République applaudit d’ailleurs des deux mains une mesure qu’il a lui-même inspirée, en se déjugeant sans la moindre hésitation, puisqu’il a justifié l’abandon de cette mesure par l’état au nom d’une supposée efficacité supérieure d’une aide ciblée par un chèque de 100 euros aux plus nécessiteux. Au passage, l’objectif réel, qui était de faire des économies, a été rempli au-delà de ses espérances, beaucoup de Français ayant renoncé à demander cette aide, comme c’est déjà le cas avec le RSA par exemple. Cette réussite exceptionnelle de Total, due aux circonstances, se retrouve chez Stellantis et d’autres entreprises, qui vont faire un geste pour leurs salariés en leur versant une prime d’intéressement. Et l’état mettra lui aussi au pot en renonçant à taxer les sommes ainsi versées. Le gouvernement a la générosité sélective. Il saura toutefois serrer la vis et demander des sacrifices pour compenser les pertes de revenus en imposant à tout le monde de travailler deux ans de plus. Au nom d’un bréviaire libéral, le gouvernement se refuse à encourager l’augmentation des salaires, sur lesquels on pourrait assoir des cotisations sociales pour financer les budgets collectifs des dépenses régaliennes. Pour que certains groupes affichent des résultats insolents et distribuent des miettes aux salariés, combien d’entreprises devront fermer, comme actuellement dans le domaine du prêt-à-porter ?
La France est connue dans le monde comme le berceau des révolutions, depuis celle de 1789, jusqu’à celle de 1848, en passant par celle de 1830 et pourquoi ne pas y associer la Commune de Paris en 1871 et la révolte de mai 1968 ? Le principal moteur de tous ces mouvements, c’est la soif d’égalité et de justice sociale, qui s’est cristallisée en 1848 dans une revendication de partage de la richesse. Les « partageux », comme on les appelait, imaginaient une société dans laquelle les biens seraient redistribués de façon égalitaire, à commencer par les terres et les moyens de production, qui seraient retirés aux accapareurs. Naturellement, ceux qui possèdent les biens ne souhaitent pas l’avènement d’un tel système, qui suppose l’abandon de la transmission du patrimoine, sous peine de recréer rapidement des inégalités sociales. Faute de pouvoir instaurer un régime totalement égalitaire, l’état devrait au moins s’appliquer à corriger les inégalités les plus criantes. On en est loin.