Les héros ne sont pas ceux que l’on pense

Alors, évidemment, vos journaux ne vont pas désemplir de la commémoration de l’envahissement de l’Ukraine par les forces russes il y a tout pile un an, et de la résistance héroïque des Ukrainiens, dont la plupart des observateurs les plus avisés ne donnaient pas cher de la peau en face d’une armée considérée comme la 2e du monde. Sans mésestimer la valeur du peuple ukrainien, le courage de ses soldats et de la population civile, soumise à rude épreuve, mais qui ne baisse pas les bras, il faut admettre que cette péripétie de l’histoire a tendance à faire oublier le combat décisif qui se déroule en France.

On s’en aperçoit moins ces jours-ci, du fait des vacances scolaires et de la trêve parlementaire qui a interrompu l’examen de la loi sur les retraites, portée par nos valeureux ministres. Croyez bien que ça n’a pas dû être drôle tous les jours pour le ministre du Travail de devoir défendre un texte auquel lui-même ne croyait pas, beaucoup moins convaincant à ses yeux que la réforme du système par points, pourtant elle-même abandonnée en rase campagne par le président de la République, faute d’adhésion populaire. Ce pauvre Olivier Dussopt a vécu un véritable calvaire, rongeant son frein et son stylo en ignorant superbement les invectives et les questions, mettant son point d’honneur à ne pas répondre aux questions légitimes sur des points précis, mais flous, de la réforme. Mais sous le képi bat aussi un cœur et quand il a été question de clôturer la session parlementaire et que le dernier mot ne pouvait plus lui échapper, il s’est lâché, exprimant sa frustration dans une déclaration d’école à qui voudrait illustrer un mécanisme psychologique bien connu : le déni.

À deux reprises le ministre s’est exclamé : « personne n’a craqué ! » laissant paraître à la fois la colère de se retrouver en si fâcheuse position, et le soulagement d’avoir apparemment gardé ses nerfs, alors même qu’il les perdait, au vu et au su de la France entière, du moins celle qui avait attendu la fin des débats à l’Assemblée nationale. C’est un peu dommage pour Olivier Dussopt d’échouer si près du but en ayant fait acte de présence aussi longtemps, insultant le débat parlementaire en refusant de répondre sur le minimum de 1200 euros pour les petites retraites, pour finalement se plaindre d’avoir été insulté pendant 15 jours, selon un renversement de point de vue où l’agresseur se plaint de l’agressé. Toute ressemblance avec la rhétorique de Vladimir Poutine pour justifier l’invasion de l’Ukraine serait évidemment tout sauf fortuite. J’essaierai donc de me mettre au niveau en usant de l’argument massue des cours de récréation : « c’est celui qui dit qui y est ! »