Je ne sais rien…

Mais je dirai tout ! Et n’importe quoi, si nécessaire. Selon la règle non écrite qui veut qu’un clou chasse l’autre, je m’attendais à ce que l’affaire Palmade soit reléguée au fin fond des oubliettes de l’histoire, au profit d’un nouveau fait divers dramatique, celui de l’assassinat d’une professeure dans un lycée catholique de Saint-Jean-de-Luz, par un de ses élèves. Tout d’abord, encore raté pour le feuilleton Palmade. Il doit être fixé demain sur l’appel du Parquet qui réclame toujours son placement en détention provisoire pour des raisons un peu obscures, mais probablement pour montrer la sévérité de l’institution judiciaire.

Les chaînes d’information continue, qui s’étaient mises en boucle sur le nouveau drame, ne pouvaient pas renoncer aussi vite à un rebondissement éventuel. Il a fallu couper la poire en deux. Sur le meurtre d’Agnès Lassalle, on a eu droit à tout, sur la base d’hypothèses invérifiables. L’élève de 16 ans aurait amené le couteau au lycée dans son sac de classe. Que n’a-t-on vérifié le contenu des sacs de tous les élèves ? Et de prendre en exemple le système américain, tellement inefficace qu’ils envisagent d’armer tous les professeurs pour riposter aux meurtres de masse si courants outre-Atlantique. Selon certains témoignages, le meurtrier aurait évoqué « des voix » lui enjoignant de tuer cette professeure, et se serait dit « possédé ». Du pain béni pour évoquer une crise profonde de la psychiatrie, dans la société en général et dans l’institution scolaire en particulier, bien réelle par ailleurs. Rien ne dit toutefois que le passage à l’acte aurait pu être évité avec une meilleure prévention, et le maintien ou le développement d’une santé scolaire largement délaissée au fil des années. Un conseiller d’orientation psychologue en établissement secondaire doit « couvrir » les besoins de plusieurs milliers d’élèves et s’occupe essentiellement d’orientation scolaire. Il n’a ni le temps ni la formation qui permettrait de déceler les signes avant-coureurs d’un trouble psychiatrique, si tant est qu’ils soient présents.

Les témoignages insistent sur le dévouement et la qualité de l’enseignante victime, et le fait que ni l’établissement ni la ville dans laquelle s’est déroulé le drame ne laissaient présager un tel évènement. Le meurtrier présumé n’avait pas d’antécédents connus et s’est laissé désarmer sans difficulté. Contrairement au meurtre de Samuel Paty, il ne semble pas avoir eu de motivations personnelles, terroristes, religieuses ou autres, pour s’en prendre spécifiquement à cette femme, appréciée de tous. Dans un tel contexte, je ne peux qu’approuver la prudence du ministre de l’Éducation nationale, qui compatit et suggère d’attendre les conclusions de l’enquête pour en tirer des enseignements éventuels. Une attitude sage, dont on peut affirmer sans risque de se tromper qu’elle ne sera pas partagée par une certaine presse ni par certains politiques comme Éric Ciotti, toujours prompts à exploiter les évènements de ce type.