Connaissez-vous le Poher ?

Probablement pas, à moins que vous n’ayez des attaches avec la région de Carhaix, en Bretagne profonde. Rien à voir à ma connaissance avec Alain Poher, le seul politique ayant eu à assurer l’intérim de la présidence de la république à deux reprises, en sa qualité de président du Sénat. Une première fois en 1969 quand le général de Gaulle, battu au référendum sur la régionalisation, décidait de quitter le pouvoir, puis en 1974 à la suite du décès de Georges Pompidou, contre lequel il s’était présenté aux élections présidentielles, tous les deux étant combattus par Georges Marchais sous le slogan : « bonnet blanc et blanc bonnet ».

La région du Poher est plutôt connue pour ses bonnets rouges, symbolisant la révolte contre le pouvoir central à différentes époques et récemment, il a 10 ans, à la suite du maire de Carhaix, Christian Troadec, contre l’écotaxe et ses portiques. Le journal local, le Poher hebdo, se retrouve lui-même sous les feux de l’actualité à la suite d’une alerte à la bombe visant les locaux de l’hebdomadaire qui a dû être évacué lundi dernier. Le journal avait déjà reçu des menaces de mort visant le directeur de la publication et une journaliste. Les actes en question sont pris très au sérieux par les autorités et une enquête est naturellement en cours. Bien que personne n’ait revendiqué officiellement ce qui s’apparente bel et bien à du terrorisme, les soupçons se portent inévitablement sur l’extrême-droite locale et nationale. En effet, le Poher a pris parti dans le conflit social récent qui a vu des manifestations téléguidées s’en prendre au projet municipal de la commune de Callac qui souhaitait dynamiser l’activité économique locale en ouvrant un centre d’accueil destiné aux migrants, dans des locaux inutilisés.

Le maire de Callac a préféré jeter l’éponge en janvier 2023, pour ne pas attiser la haine entre habitants de la commune, mais cela n’a visiblement pas suffi aux fauteurs de troubles, parmi lesquels on retrouvait des transfuges du Rassemblement national ayant rejoint les rangs d’Éric Zemmour. Pour l’instant, la responsabilité directe de ces trublions n’est pas établie, mais on voit bien qu’au niveau national, Marine Le Pen se sert de cet épouvantail pour se refaire une honorabilité et faire oublier les vieux discours de son père. Le pouvoir macroniste, quoi qu’il en dise officiellement, est satisfait de pouvoir renvoyer dos à dos ceux qu’il appelle les extrêmes en espérant consolider la coalition hétéroclite d’une droite qui ne veut pas dire son nom, et en s’entourant de transfuges soi-disant de gauche en provenance d’un passé révolu. Et nous n’en sommes qu’au début de ce nouveau quinquennat qui va paraître bien long, surtout si la réforme des retraites est imposée au peuple qui n’en veut pas.