Des paroles aux actes

Près d’un an après l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, on se demandait si le soutien des États-Unis ne risquait pas de s’effriter, dans la mesure où il apparait de plus en plus clairement que cette guerre est en train de s’installer dans la durée et qu’il faudra aider matériellement et financièrement le pays agressé pendant encore des mois, voire des années, pour lui permettre de recouvrer son territoire. Alors que les discours américains sont scrutés à la loupe pour déterminer le degré d’implication de l’administration, et que le refus de fournir des armes permettant aux Ukrainiens de porter le champ de bataille sur le territoire russe fait l’objet d’interprétations, le président Biden a frappé un grand coup en se rendant à Kiev.

Quand on sait le luxe de précautions qui entoure le moindre déplacement du chef de l’état dans des zones réputées sûres, on imagine le déploiement de forces de sécurité qui a dû être nécessaire pour organiser ce déplacement dans la capitale d’un pays en guerre. N’en déplaise à Donald Trump, qui s’obstine à disqualifier son rival en le traitant de « Joe l’endormi », le président Biden a démontré à la fois son courage physique et une vitalité qui ferait presque oublier qu’il a dépassé les 80 ans et qu’il pourrait prétendre à une retraite bien méritée. Sa présence physique dans la capitale ukrainienne aux côtés du président Zelensky est un symbole fort du soutien indéfectible envers le pays agressé. Il a pris aussi la tournure d’une sorte de défi à Vladimir Poutine, qu’il a pris de vitesse avant le discours habituel adressé au peuple russe par son président.

En avertissant les autorités russes de cette visite surprise quelques heures avant qu’elle ait lieu, les Américains se sont mis en quelque sorte à l’abri de toute provocation adverse, sachant que les représailles éventuelles seraient terribles. Et de fait, alors que le déplacement de Volodymyr Zelenski à Washington en décembre dernier avait entraîné une pluie de missiles sur l’Ukraine, les propagandistes russes se sont appliqués à minimiser la portée de cette visite surprise, en la considérant comme un non-évènement. La position américaine a le mérite d’être claire. Aux promesses succèdent les livraisons, et les Européens tentent tant bien que mal de suivre le rythme. Un des seuls à défendre encore le dialogue et à rester ambigu, c’est le président français. Après un discours offensif devant la conférence de sécurité à Munich, il s’est empressé de nuancer son propos en « off » en voulant éviter d’écraser la Russie. Ce qui lui vaudra une remarque pragmatique de Zelensky, qui considère qu’il « perd son temps » à vouloir maintenir un dialogue avec Poutine. Comme quoi un ancien amuseur public peut être meilleur analyste géopolitique qu’une tête d’œuf soi-disant bien faite.